Premier enregistrement mondial du Requiem en ut mineur de Tůma

par

František Ignác Antonín Tůma (1704-1777) : Requiem en ut mineur. Miserere en ut mineur. Markéta Böhmová, Romana Kružíková, soprano. Monika Jägerová, Lucie Netušilová Karafiátová, contralto. Jakub Kubin, ténor. Jiří Miroslav Procházka, basse. Chœur et Orchestre de l'Ensemble Baroque Tchèque, dir. Roman Válek. Mai 2021. Livret en anglais, allemand, français, tchèque ; le texte des paroles se trouve sur le website du label. TT 59’35. Supraphon SU 4300-2

Au même titre que Gottlieb Muffat, Jan Dismas Zelenka et Georg Christoph Wagenseil, Tůma compte parmi les distingués émules de Johann Joseph Fux (c1660-1741), le Maître de Chapelle de la Cour de Vienne. Sa maîtrise polyphonique inspira les compositeurs autrichiens de la fin du XVIIIe siècle ; même Mozart et Haydn, affirme le livret du CD. On s’étonne que si peu de disques (une poignée, révélant principalement sa musique sacrée) soient consacrés à un auteur d’une telle influence.

Originaire de Bohême d’un père organiste et Cantor, ses qualités de chanteurs furent tôt reconnues dans la capitale où l’adolescent fréquenta un lycée jésuite. Instrumentiste au service du Comte Kinsky, Grand Chancelier dont les activités l’amenèrent à voyager entre Prague et Vienne, Tůma connut une rapide ascension puisqu’à vingt-sept ans il se revendique Capellen-Meister du Comte, avant de conquérir dix ans plus tard le même poste auprès de la veuve de Charles VI. Élisabeth-Christine tint douaire au château d’Hetzendorf dont le service divin disposait d’une chapelle aux effectifs modestes (quinze instrumentistes, cinq chanteurs) mais virtuoses, incluant deux trombones.

C’est dans ce contexte et pour cette formation que fut écrit le Requiem joué le 20 octobre 1742 à la Crypte des Capucins de Vienne où la dépouille de Charles VI, disparu deux ans auparavant, fut déposée dans un monumental sarcophage d’étain. On ignore si le Miserere en ut mineur (une des sept compositions que l’on connaît dans ce genre à Tůma, et bien différente des archaïsmes de celui enregistré par Erik van Nevel chez Accent) date d’avant la dissolution de la chapelle d’Hetzendorf dont elle épouse l’effectif réduit, ou si c’est celui commandé en 1756 pour la jeune impératrice Marie-Thérèse. Laquelle en 1765 augmenta la pension, déjà confortable, qui avait été accordée au compositeur à la mort de sa mère Élisabeth-Christine en 1750.

L’esthétique de ces deux œuvres ne reflète guère le stile antico qu’utilisa Tůma dans d’autres, mais témoigne d’un goût baroque orienté vers le classicisme (l’air Auditui meo requiert une gracieuse flûte obbligato) voire une certaine manière galante (la frémissante souplesse d’Amplius lava me). Ecce enim déploie un audacieux accompagnement de trombone, vivement chantourné, de même que le Tuba mirum et le Domine Jesu Christe du Requiem qui emploie aussi deux trompettes naturelles. On aurait aimé que la notice s’attache davantage à détailler les spécificités d’un langage qui s’exprime avec finesse et une vibrante invention (le Dies Irae). Tant pour sa contribution vocale qu’orchestrale, l’équipe tchèque de Roman Válek est un fervent ambassadeur de ces deux opus qui méritent la découverte autant que l’exhumation d’autres pages de ce compositeur qui termina sa vie retiré au monastère des Prémontrés de Geras, où il continua de produire pour la communauté. D’autres trésors inconnus gisent-ils dans cette tardive moisson liturgique ?

Son : 8 – Livret : 9 – Répertoire : 9 – Interprétation : 9,5

Christophe Steyne

 

 

 

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