Quand le théâtre s’invite au récital avec Sarah Defrise

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La soprano belge Sarah Defrise présentait jeudi 17 octobre dans le Foyer Grétry de l’Opéra Royal de Wallonie son premier disque, « Entrevisions », paru le 11 octobre chez Musique en Wallonie. Consacré aux mélodies de Joseph Jongen, ce premier volet d’une intégrale (à venir) marque d’ores et déjà l’histoire de la musique belge d’une pierre blanche, puisque la plupart d’entre elles n’avaient jamais été enregistrées. 

L’on peut dire sans retenue que la soirée était placée sous le signe de l’inédit à plus d’un titre. Nous étions à l’opéra pour écouter un récital de mélodies à la façon des salons de musique, et nous avons goûté au plaisir, précieux, d’un chant tout autant musical que théâtral. Nous avons fermé les yeux pour tendre l’oreille vers une poésie subtile et raffinée, ciselée avec précision et délicatesse par la voix à la fois claire et aérienne de Sarah Defrise.

Nous les avons ensuite ouverts pour profiter d’un chant qui se lisait sur son visage, dont l’expressivité capte l’attention et ravit le spectateur d’un bout à l’autre du récital, construit sous la forme de tableaux tantôt bucoliques, tantôt sensoriels. La force de persuasion de cette artiste complète tient également dans le choix et l’enchaînement narratif des mélodies de Jongen côtoyant des pièces savamment choisies de Bizet, Chausson, Debussy et Strauss. Si les prouesses et l’agilité vocales (Tarentelle, Bizet) participaient à l’émerveillement du public présent en nombre, certains moments de pur lyrisme (Après un rêve, Jongen) ont révélé l’immense palette sonore d’une voix féérique (Paix, Jongen), pleine d’élans et de panache (Rouge, Jongen). La diction est à l’image de la vocalité, engagée dans les moindres détails, ceux-là même qui font toute la différence. Le talent de Sarah Defrise se manifeste en effet dans chacune des inflexions de la voix, si bien que l’on assiste, à l’instar des productions d’opéra, à un moment d’art total où les frontières entre voix parlée et voix chantée se confondent et ne font plus qu’un. Cette fusion se cristallise dans le duo que la soprano forme avec Craig White dont le piano habite cet espace de création avec caractère, sensibilité, humour, voire même facétie, tel un prisme réfléchissant chaque histoire que la soprano nous racontait ce soir-là. On peut d’ailleurs lire et entendre à nouveau la littérature (de Musset, Vacaresco, Gilbart, Hardy,…) qui fut à l’origine de l’inspiration de Joseph Jongen, en se procurant le disque dont Sarah Defrise signe une notice fournie en détails historiques et en recherches musicologiques. 

Clara Inglese

Liège, Opéra Royal de Wallonie, le 17octobre 2019

Crédits photographiques : Marie-Clémence David

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