Récital de cornet et orgue, dans la mouvance de la Belle Époque
Belle Époque. Augustin Savard (1861-1942) : Morceau de concours. Camille Saint-Saëns (1835-1921) : Fantaisie en mi bémol. Jules Charles Pennequin (1864-1914) : Morceau de concert. Charles-Marie Widor (1844-1937) : Scherzo. André Chailleux (1904-1984) : Morceau de concours. Théo Charlier (1868-1944) : Solo de concours. Robert Clérisse (1899-1973) : Noce villageoise. Maurice Duruflé (1902-1986) : Scherzo. Joseph Edouard Barat (1882-1963) : Andante et Scherzo. Henri Büsser (1872-1973) : Andante et Scherzo. Joseph Guy Ropartz (1864-1955) : Andante et Allegro. Daniel Reichert, cornet. Simon Reichert, orgue. Juillet 2021. Livret en anglais, allemand. TT 71'36. Paschen PR 220080
Un récital pour cornet à pistons et orgue dans le répertoire symphonique français, compris au sens large de « Belle Époque » : voici le concept de cet engageant album. La Belgique est à l’honneur par deux de ses enfants, le violoniste Jules Charles Pennequin et le renommé virtuose Théo Charlier dont les pièces ici entendues figuraient dans le récital Paris 1900 d’Éric Aubier et Laurent Wagschal chez Indésens, lire notre interview. Le programme est majoritairement constitué de transcriptions, issues de morceaux de concours avec piano. Voire des retranscriptions dans le cas de la Fantaisie de Saint-Saëns, originellement pour orgue, et ici traduite pour cornet et tuyaux en passant par la médiation d’un arrangement d’Henri Büsser. Duquel nous entendons un Andante et Scherzo, sous forme de passacaille puis d’une échappée dans une mesure à 7/4.
Les étapes spectaculaires sont contrebalancées par des instants aussi charmants que la simpliste Noce villageoise de Robert Clérisse, qui n’en requiert pas moins nuance du souffle et cantabile. Délicat équilibre : s’épancher sans galvauder l’ambiance, éviter la surcharge mais laisser vibrer un certain affect. Le soliste les sert avec sobriété et droiture. On glane d’autres pages qui ne dépassent par l’intérêt de circonstance, ainsi le Morceau d’André Chailleux paru aux éditions Leduc en 1959, et qui accompagné à l’orgue connut cependant par deux fois la faveur discographique d’Arvid Gast en compagnie de Joachim Pliquett (chez Motette et Audiomax).
Le CD inclut deux œuvres pour orgue seul, en l’occurrence deux Scherzos : celui extrait de la Symphonie no 4 de Widor, et l’opus 2 du jeune Maurice Duruflé, daté de 1926. Ces partitions permettent d’entendre à découvert l’orgue réédifié en la Stadtkirche de Gronau, qui fut transféré dans cette église en 2019, après restauration. Il remontait initialement à 1904, quand il avait été installé à Dortmund-Dorstfeld par la célèbre firme Sauer. De rares enregistrements témoignent de cet état avant déménagement, par exemple le Bach in Neufassung par Tomasz Adam Nowak, chez Motette il y a une trentaine d’années. L’instrument rénové de quarante jeux prend place dans un espace non plus enclavé en niche, mais dans une acoustique de tribune, ouverte, précise, sous des voûtes boisées. Peu de réverbération : la matité renforce la définition sonore de l’orgue comme du cornet, dont on goûte les saveurs duveteuses de ce modèle fait par les ateliers Besson vers 1874.
La facture d’époque compte justement parmi les récents engouements de Daniel Reichert, aussi à l’aise dans le jazz que les répertoires baroque ou symphonique, nous dit sa notice anglophone en page 7. Le duo qu’il forme avec son frère Simon à la console nous vaut une honorable carte de visite, qui sert avec science et talent ces clichés de faire-valoir prisés pour l’aguerrissement des candidats de conservatoire. Techniquement à la hauteur, mais artistiquement on avoue s’ennuyer de ce ravier qui aligne chromos et exercices. On espère donc bientôt retrouver les deux valeureux artistes allemands dans des projets autrement ambitieux et stimulants.
Christophe Steyne
Son : 8,5 – Livret : 7,5 – Répertoire : 6-7 – Interprétation : 8