Robinson Crusoé de Jacques Offenbach au TCE

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Avant de conquérir Angers, Nantes et Rennes, émotion et ovation ont pimenté cette dernière représentation de l’opéra-comique Robinson Crusoé sur la scène de l’Avenue Montaigne. Julie Fuchs est, en effet, annoncée souffrante. Elle assurera néanmoins sa prestation scénique et sera remplacée - non par sa doublure, elle aussi malade - mais par la soprano Jennifer Coursier arrivée à la gare de Lyon une heure avant le lever de rideau. « Acrobatique » dira l’un des musiciens à la sortie, c’est le moins que l’on puisse dire. Pourtant, la magie opère. La mise en scène de Laurent Pelly parfaitement rodée démontre là son efficacité comme sa pertinence. 

L’esthétique « bande dessinée », stylisée à grands traits, aux couleurs criardes (scène des anthropophages) ou grisâtres (tentes des SDF) est soutenue par des dialogues aimables et percutants. Les liens entre certains choix visuels et l’œuvre n’apparaissent pas toujours évidents : Que viennent faire Donald Trump et ses clones sur l’ île déserte ? Des tentes de sans-abris aux pieds des gratte-ciels ? Un certain sens de l’absurde - ingrédient que ne dédaignait pas le compositeur de Vert Vert – en résulte mais qui, ici, contredit la dimension biographique et poétique présente dans l’intrigue et surtout dans la musique. 

Le ténor Sahy Ratia (Robinson) aussi agile sur scène qu’idéal de timbre parvient à exprimer cette émotion, de même que son compagnon, Vendredi. Le jeune sauvage est incarné par Adèle Charvet dont les accents chaleureux entrent en contradiction avec un jeu parfois forcé et un costume peu flatteur. Marc Mauillon (Toby) qui semble échappé d’une pièce de Labiche comme Laurent Naouri d’un roman britannique, rivalisent d’aisance. Emma Fekete (Suzanne), Julie Pasturaud (Deborah) sont également fort justement « croquées ». Julie Fuchs (Edwige) investit dans son jeu muet une énergie inattendue tandis que Jennifer Coursier, son double vocal, en dépit d’une projection limitée, parvient à assurer vaillamment sa partie et, même, à offrir des moments de fine musicalité.   

Partition « hybride » comme l’indique un livret de présentation fort bien conçu : des airs d’une grande sensibilité côtoient ainsi des passages plus faibles qui traînent en longueur. La gravité  mélancolique ne cohabite pas toujours spontanément avec une frénésie un peu mécanique. L’intérêt des trois actes, enfin, s’avère inégal : très cohérent au I, plus poussif au II et romantique au III.  Familier d’Offenbach à l’instar du metteur en scène, le chef Marc Minkowski embarque les Musiciens du Louvre et le chœur Accentus à vive allure et sans complexes dans la jubilation générale. 

Et, pour ce qui relève de la poésie, il suffira de lever les yeux vers les allégories dansantes, pleines de fraîcheur et de tendresse du peintre  Nabi Maurice Denis, admirablement mises en valeur par un nouvel éclairage.

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 14 décembre 2025

Bénédicte Palaux Simonnet

Crédits photographiques : Vincent Pontet

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