Strauss et Mahler sans matière grasse

par
Jurowski

Richard STRAUSS
(1864 - 1949)
Also sparch Zarathustra op.30
Gustav MAHLER
(1860 - 1911)
Totenfeier - Sinfonisches Präludium für Orchester (reconstruction d’Albrecht Gürsching
Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin, Vladimir Jurowski
2016-DDD-64’46’’-Livret en anglais et allemand-Pentatone PTC 5186 597

Alors qu’il prend ses fonctions comme directeur musical du Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin, le chef russe Vladimir Jurowski fait paraître un album « carte de visite » qui salue, comme c’est désormais la tradition, son nouveau mandat. Même si ce n’est pas le premier disque de ce tandem (comme en témoigne une magistrale Symphonie n°3 d’Alfred Schnittke également enregistrée pour Pentatone), cette galette montre l’ambition du chef pour son orchestre : revisiter les classiques.
Vladimir Juroswki n’est pas musicien qui se contente de facilités et il se plaît à toujours questionner le texte musical. Pour sa lecture d’Also sprach Zarathustra, il se remémore le conseil de Strauss lui-même : « dirige Salomé et Elektra comme s’ils étaient de Mendelssohn : de la musique de fée ». Il applique ce précepte à ce poème symphonique en dégraissant le mammouth straussien. Jurowski allège la pâte orchestrale et lui donne du nerf et de l’air. Son Strauss sonne équilibré, dynamique mais jamais gras (et même vulgaire) comme c’est malheureusement trop souvent le cas. Les dialogues entre les pupitres et en particulier entre les vents sont narrés tel un opéra miniature avec sa dramaturgie. Au final, on tient l’une des plus intéressantes lectures récentes de cette partition avec celle de David Zinman à Zurich (Arte Nova). C’est du Strauss allégé et biodégradable, loin des colossaux effets et bodybuildés que pouvaient y déclencher Lorin Maazel (Sony).
En complément, Jurowski propose Totenfeier, version initiale du premier mouvement de la Symphonie n°2 de Mahler. Les collectionneurs émérites noteront qu’il s’agit de la seconde gravure du chef russe après une première interprétation au pupitre de l’Orchestre de l’Âge des Lumières pour le label Signum. Comme avec Strauss, Jurowski transcende la partition en lui offrant lumière et souplesse, en tirant l’œuvre vers un romantisme songeur et allant, presque schubertien.
Enfin, en conclusion, le chef et ses musiciens offrent le Prélude symphonique pour orchestre, version que le musicologue Albrecht Gürsching a tiré d’un manuscrit qui a été attribué à Mahler (et à d’autres). Mais la paternité de cette partition reste bien mystérieuse et l’œuvre tire plus vers Bruckner (qui est également considéré comme un possible auteur) que Mahler, est purement anecdotique même si elle fait office de sympathique complément.
L’orchestre radio-symphonique de Berlin s’affirme avec brio, faisant preuve de hautes qualités dans ses solistes et d’une superbe homogénéité qui fait mouche dans les dynamiques. La prise de son est, comme toujours avec Pentatone, une grande réussite.
Ce disque est donc une belle introduction à cette nouvelle ère pour un orchestre berlinois qui depuis le passage à sa tête de Marek Janowski, bénéficie d’une excellente visibilité discographique.
Pierre-Jean Tribot

Son 10 – Livret 9 –  Répertoire 9 – Interprétation 10

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