L'opéra du grand Avignon offrait une reprise de la production de Zaïde de Mozart donnée originellement à l'opéra de Rennes en 2023. Étant donné qu'il ne reste que quelques arias de ce singspiel, demande a été faite à Robin Melchior de composer les parties manquantes. Plutôt que de se raccorder au génie de Mozart, le compositeur français a préféré composer une ouverture tenant à la fois de la musique de film et de l'avant garde boulezienne, et une conclusion en comédie musicale à la Jacques Demy. Il n'est pas le seul à avoir posé les armes devant Mozart. Pour les récitatifs, carte blanche avait été donnée aux librettistes françaises Alison Cosson et à Louise Vignaud.
Foin de la Turquie, qui justifie l'origine orientale des noms des protagonistes, annonçant L'Enlèvement au sérail et par conséquence La Flûte enchantée, l'œuvre se passe ici, comme dans la Tempête de Shakespeare, sur une île déserte, où Zaïde, le Sultan Soliman et Allazim se sont échoués depuis assez longtemps pour qu'un rapport hiérarchique naisse entre eux, que Zaïde veuille se rebeller, et sur laquelle règne une créature magique, incarnation autant de la nuit que de l'île elle-même. Foin aussi donc de la subtilité narration de Da Ponte ou l'intelligence de Shakespeare, le livret est ici aussi naïvement péremptoire qu'une œuvre jouée en fin de d'année de primaire, lui donnant un caractère d'amateurisme et cela d'autant plus que la continuité linguistique est sans arrêt rompue avec des récitatifs en Français et les arias d'origine en Allemands.
Il faut donc chercher Mozart dans ce collage grossier de parties benoites récentes et d'origines prometteuses. Certes les arias ne sont pas aussi travaillées que celles de L'Enlèvement au sérail, et à plus forte raison de la Flûte enchantée, les devançant de plusieurs années, mais elles révèlent déjà la façon quasi miraculeuse de Mozart de déployer et de faire dialoguer les tessitures.
Gustavo Dudamel, directeur musical de l’Opéra de Paris, confie son admiration pour « Bernstein qui a su brillamment articuler sa pratique artistique et son engagement dans la société, surtout auprès des jeunes générations. Dans la continuité d’engagements généreux, il a choisi pour sa « carte blanche » un programme lyrique incluant deux sopranos, une mezzo, une basse et de courtes interventions d’un ténor et d’un baryton. Déjà expérimentés, ils côtoient tous la trentaine et sont déjà distribués dans des rôles qui n’ont rien d’anecdotiques tel celui de Zuniga dans Carmen ou la Première Dame de La Flûte enchantée.
Quant au répertoire de Music Hall et de Zarzuela, unissant compositeurs catalans, argentins à Bernstein et Kurt Weill, il ravit public et mécènes.
La soirée s’ouvre avec les Bachianas brasileiras N°5 du Brésilien Heitor Villa-Lobos suivies d’une délicate mélodie. Au centre des huit violoncelles de l’Orchestre de l’Opéra, la soprano Martina Russomano allie le charme à la lumière d’une voix dont le legato et les aigus peuvent certainement gagner encore en épanouissement. L’expression reste simple et fidèle à l’esthétique d’un répertoire parfois âpre qui recherche plus l’émotion que le « joli ».