Mots-clé : Anita Rachvelishvili

La Khovantchina galvanise la Bastille

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Comme l’âme russe, la mise en scène d’Andreï Serban défie le temps. Elle reste aussi vivante, intelligente, captivante aujourd’hui qu’à sa création (2001 reprise en 2013). Car elle se focalise sur l’œuvre, toute l’œuvre, rien que l’œuvre. Ce qui n’empêche nullement l’actualité de s’inviter hier comme aujourd’hui à travers l’évocation de visées expansionnistes (Ukraine, Crimée, Tatars), de l’attraction entre Orient et Occident, du conflit entre cultes païens, mystiques et modernité, du choc entre «la morale et l’histoire» (A. Lischke) -toutes pulsions qui rougeoient, encore et toujours, telles des braises. Et, au milieu de tout cela, la splendeur paradoxale de l’homme déchu.

 Pour chanter ces destins foudroyés, Moussorgski au terme de sa vie invente la musique la plus chatoyante dans ses bariolages, la plus libre dans son instrumentation, la plus vigoureuse dans ses harmonies qu’on eût jamais conçue, au point de bouleverser les repères de son temps dans le droit fil de Boris Godounov (1869). Partition que Saint-Saëns rapporta dans ses bagages en 1875 influençant Debussy, Chausson, Ravel parmi beaucoup d’autres.

Complétée et remaniée par Rimski-Korsakov puis Chostakovitch (version ici choisie), des orchestrations de Ravel et Stravinski ayant en partie disparu sauf le final, la partition présente néanmoins une cohérence quasi organique. En un unique flux, elle charrie des beautés surprenantes, effrayantes et ensorcelantes. Depuis les sonneries guerrières, liturgiques, les cris, jusqu’aux inflexions les plus douces qui furent jamais prêtées à des chœurs, c’est une seule foi unie à une seule terre qui chante. Voix sauvage, plus primitive encore que dans Boris Godounov.

Ermonela Jaho, la passion du chant 

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Ermonela Jaho est la lauréate d’un International Classical Music Award 2021 dans la catégorie "Musique vocale" avec l'album "Anima rara" publié par Opera Rara et dédié au répertoire de Rosina Storchio, avec un accent particulier sur celui communément défini comme verista-naturalista. 

La grande chanteuse albanaise, qui a passé 18 ans en Italie, réside aujourd'hui à New York, mais elle n'a pas hésité à prendre l'avion et à venir à Vaduz pour recevoir le prix et pour chanter lors du gala, avec le Sinfonieorchester Liechtenstein, un "Addio del passato" de la Traviata tout simplement mémorable, qui lui a valu une ovation du public. En marge du concert, elle s’entretient avec notre confrère Nicola Cattò (Musica, Italie), 

Comment était le monde de la musique en 1993 ?

Je venais d'Albanie qui avait été sous le communisme pendant 50 ans : tout était fermé, ce qui se passait à l'extérieur nous était inconnu. Pour nous, le monde de l'opéra, c’était celui qui passait par les films italiens en noir et blanc, avec les biographies de Bellini et Verdi. Pour moi, chanter en Italie, à La Scala, c’était un rêve. A tel point que -je suis encore émue quand je l’évoque- avant de partir en Italie, j'ai écrit un journal dans lequel je notais mes objectifs de vie, mes résolutions professionnelles. Aujourd'hui, je me rends compte que j’ai tout réalisé ! Quand vous voulez désespérément quelque chose, c'est votre âme qui le veut.

Mais vous avez fait vos débuts en Albanie, dans La Traviata, alors que vous étiez une jeune fille…

C'était une expérience, une folie : en Albanie, je ne savais pas que mon âge n'était pas le bon, que je devais attendre. Mes parents n'étaient pas des amateurs d'opéra, donc je n'en savais rien. Et quand j'ai vu cet opéra pour la première fois à 14 ans (il était chanté en albanais !), j'en suis immédiatement tombée amoureuse et j'ai dit à mon frère : Je ne mourrai pas sans l'avoir chanté. Depuis, je compte plus de 300 représentations !

Y avait-il des stars de l'opéra dans votre pays à cette époque ?

Pas vraiment, seulement les solistes de l'Opéra d'État de Tirana. Mais je n'appartenais pas à ce milieu. La première diva à avoir eu une résonance internationale a peut-être été Inva Mula, qui a 11 ans de plus que moi, puis Enkelejda Shkosa. Après moi en termes d'âge, sont venus Saimir Pirgu et Gëzim Myshketa.

Le Prince Igor triomphe de l’Apocalypse soviétique

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Le chef-d’œuvre de Borodine s’inspire d’un poème épique de la fin du XIIe siècle relatant la lutte d’un peuple occupant une partie de l’actuelle Ukraine contre des envahisseurs polovstsiens (turcophones venus du Kazakhstan) précédant les grandes invasions mongoles et tatares. La mise en scène englobe l’épopée médiévale, la confrontation Orient – Occident et l’histoire récente. En les dénudant « à l’os », elle laisse tout l’espace à l’émotion musicale tandis que les héros prennent une envergure symbolique, sacrificielle, voire mystique. Le tout passe par une vision sans complaisance, cruellement réaliste, de l’histoire russe. Le recours à des stéréotypes « compris par tous » (treillis, kalachnikov, béton et autoroute) relève de l’ironie car, en réalité, leur insignifiance délibérée permet de pénétrer sans obstacle contingent au cœur de la condition humaine, en ses ultimes retranchements. 

Au fil des quatre actes (version 1890 -le III étant curieusement remplacé par l’Ouverture, occasion d’une salve d’applaudissements pour l’orchestre, et le second Monologue d’Igor orchestré tout aussi efficacement par Pavel Smelkov étant intégré à l’acte IV), le processus de déchéance remonte inexorablement le cours du temps. La cathédrale d’or surmontée d’une croix laisse place à la dépravation de l’oligarchie mafieuse des années 1990 -excellente composition du Prince jouisseur Galitski (Dmitry Ulyanov)- puis aux geôles staliniennes pour conclure avec la vision d’une populace décervelée couronnant un bouffon. Ce sera à l’épouse aimante (magnifique figure de femme) d’offrir la rédemption au héros avant qu’ils ne s’effacent dans la « perspective perdue » d’une autoroute vide.

La Scala de Milan partenaire de l'Expo 2015

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Pour la première fois dans son histoire la Scala de Milan présente une activité quasi non interrompue de mai jusqu’à novembre pour donner la possibilité aux visiteurs de l’Expo Milano 2015 de découvrir une des maisons d’opéra les plus célèbres du monde. Le programme comprends des spectacles d’opéra, de ballet et des concerts avec des interprètes internationaux. Pour l’opéra c’est surtout le répertoire italien qui est à l’affiche avec des œuvres de Rossini, Donizetti, Puccini et Verdi, reprises et nouvelle productions.