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"Notre Sacre", pour un printemps des peuples et des arts

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Il y a deux ans et demi, Les Dissonances et leur directeur musical avaient déjà joué Le Sacre du Printemps à la Philharmonie de Paris, lors d’un concert qui, formellement, ne cassait que le code d’un orchestre jouant sans chef (ce qui, surtout avec cette œuvre, n’est tout de même pas rien !). Nous avions commencé notre chronique en faisant allusion à la mythique et mouvementée création de ce chef-d'œuvre, il y a maintenant 111 ans, par ces mots : « Heureux les Parisiens qui... ». Nous pouvons les reprendre pour parler de cette, à nouveau, mémorable soirée.

Cette fois, d’autres codes tombent. Le ton est donné avec une rapide apparition sur scène des principaux maîtres d’œuvre de la soirée (le rappeur et écrivain Abd al Malik qui déclare « Je m’appelle David et je suis juif », le violoniste et chef d'orchestre David Grimal qui répond « Je m’appelle Malik et je suis musulman », et la chorégraphe Blanca Li qui conclut « et ce soir, nous sommes tous des sœurs et des frères »). Dès leur sortie, bras dessus bras dessous, une voix off nous explique que la soirée bénéficie du dispositif Relax, lequel « facilite la venue de personnes dont le handicap peut parfois entraîner des comportements atypiques pendant la représentation ». Ceux qui en éprouvent le besoin peuvent ainsi sortir et revenir, et même « vocaliser » leur plaisir. Peut-être que si ce dispositif avait été mis en place au théâtre des Champs-Élysées le 29 mai 1913, l’histoire de la musique en eût été changée...Une soirée sous le signe de la paix et de l’inclusion, donc.

William Christie : des moyens minimalistes pour une expressivité sans limites dans son Dido & Æneas au Liceu

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C’est assez surprenant de constater que la grande maison d’opéra de Barcelone n’avait présenté le chef d’œuvre de Purcell qu’une seule fois en 1959, aussi dans une version chorégraphiée qui servait alors de « hors d’œuvre » à une représentation de l’Elektra de Richard Strauss. William Christie, qui atteindra prochainement sa quatre-vingtième année, est revenu à d’innombrables occasions sur une musique qui a traversé les siècles avec la même fraîcheur que les classiques grecs ou latins de la littérature ou de la sculpture. Il est vrai que, avant 1895, elle était totalement inconnue du grand public, mais ce n’est pas moins choquant que le public barcelonais, souvent attentif aux avant-gardes et qui a aimé en leur temps Haydn ou Wagner passionnément, soit resté sourd à tant de beauté.

Notre claveciniste franco-américain a toujours eu le don de s’entourer d’artistes de tout premier plan et de les faire adhérer à des postulats artistiques qui, aujourd’hui, nous semblent aussi évidents que respectables, mais il ne faut pas oublier qu’à ses débuts, vers les années 1975, il été considéré comme un « outsider » irrévérencieux et relativement prétentieux par l’« establishment » musical de l’époque. Et, en plus, il avait fui son pays d’origine car il s’était manifesté contre la guerre du Vietnam… Si l’on pense à des jeunes chanteurs comme Gérard Lesne ou Véronique Gens qui chantaient dans « Les Arts Florissants à l’époque et aux brillantes carrières qu’ils ont faites par la suite, on pourra certainement affirmer qu’ils étaient à bonne école. Car l’apport de Christie n’est pas tellement essentiel à la recherche des codes oubliés de la déclamation ou du chant baroque mais plutôt dans sa prospection de la vérité interprétative par ce biais. Bien d’autres artistes sont restés en surface, se contentant de reconstruire un langage expressif à travers la redécouverte des traités, des conventions ou des gestes interprétatifs. Lui, il les utilise pour aller droit au but : l’émotion, l’introspection, le regard sur la vie, l’amour et le trépas qui interpellent toujours celui qui écoute cette inoubliable histoire de Didon mise en musique il y a quatre siècles par Purcell. Car, en réalité, Christie ne fait ici pratiquement rien : pas de gestes, pas de démonstrations, pas d’exubérance. Il se borne à jouer tout simplement le continuo tantôt à l’orgue, tantôt au clavecin. Mais…de quelle manière, car ce clavecin sonne avec une splendeur inouïe et il a l’art de réaliser le continuo avec une parcimonie et un à propos radicaux : pas une note de trop, pas ces déferlement d’arpèges inutiles qu’on subit habituellement.