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Elle y a cru, nous y croyons : Madama Butterfly à Avignon

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Pauvre petite Cio-Cio-San, pauvre et pathétique Mrs Pinkerton, pauvre Madame Butterfly, pauvre petit papillon épinglé, broyé. En quelques appellations, le destin d’une héroïne tragique. Là-bas à Nagasaki, dans un Japon misérable, à peine âgée de quinze ans, elle est vendue à un officier de marine américain, « mariée » pour 999 ans, avec possibilité pour le « mari » de résiliation mensuelle du contrat. Elle y croit. Elle renonce à sa famille, à sa religion. Il part. Elle l’attend. Il revient, mais avec sa « femme américaine », légitime, officielle, désireux de reprendre l’enfant né de leur union. Elle se suicide avec le sabre de samouraï de son père, sur lequel on peut lire : « Il meurt avec honneur celui qui ne peut vivre avec honneur ».

Elle y a cru, nous ne cessons d’y croire, encore et encore émus, depuis la création de l’opéra en 1904. Un mélodrame ? Oui, mais bien plus que cela. Une enfance abusée, un contexte culturel, religieux et social, la morgue indifférente et « de bonne foi tranquille » de ceux qui sont les plus forts, la vénalité, l’amour pur, naïf, sans calcul, la tendresse, des touches d’humour, une tragédie irrésistible. Et surtout une partition si juste dans la façon dont elle dit le drame, dont elle est le drame. Ah ! ces thèmes pucciniens qui annoncent, qui exposent, qui rappellent. Nous entendons, nous ressentons, nous vibrons avant que les mots ne surgissent. Et l’on a beau connaître l’œuvre, l’avoir écoutée et écoutée, savoir à quel moment l’émotion est au rendez-vous, elle nous atteint chaque fois, bouleversante. 

Cosi fan Tutte sur la Promenade des Anglais

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"Cosi Fan Tutte" est le dernier opéra de la trilogie de Mozart et de Lorenzo  Da Ponte comme librettiste.  L'Opéra de Nice présente donc cet opéra dans l'ordre chronologique, après "Les Noces de Figaro" et "Don Giovanni" programmés les saisons précédentes. On retrouve au pupitre le  chef Roland Böer un spécialiste de Mozart  alors que la distribution propose des chanteurs qui ont fait leurs preuves sur les scènes internationales. Tous les ingrédients musicaux sont réunis pour profiter d'un moment privilégié.
On attend donc avec curiosité la mise-en-scène de Daniel Benoin, qui avait assuré celles des Noces du Figaro  et de Don Giovanni . Il avait fait le bon choix de les situer à l'époque de la création. Dans sa "note d'intention" Benoin qui est l'actuel patron de l'Anthéa  à Marseille annonce que pour "Cosi" il souhaitait mettre à l'épreuve une synthèse qui permette de relier l'époque de la création de l'opéra à notre monde d'aujourd'hui. Il y a depuis un bon moment déjà cette manie de certains metteurs-en-scène à vouloir transposer les opéras à d'autres époques, sous prétexte d'arriver à une portée intemporelle. Le public de Nice est très classique et n'aime pas être bousculé. Benoin y va donc avec précaution. Il imagine que nous assistons au tournage d'une série pour la télévision qui illustre l'opéra de Mozart. Du théâtre dans le théâtre, ou de la télévision dans le théâtre. Avec les personnages de l’opéra de Mozart en très beaux costumes du XVIIIe siècle, mais aussi le personnel de tournage de la télévision en tenues d’aujourd’hui avec leurs caméras, magnétos, micros, perches et projecteurs. La présence de cette équipe de télévision ne dérange pas, elle met la représentation au goût du jour, un peu comme si le spectacteur assistait au tournage d'une retransmission depuis le Metropolitan Opera de New York ou l'Opéra de paris...