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Bach, un pulpeux assortiment de concertos avec l’archet de Lina Tur Bonet

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Himmelsburg. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Concertos pour violon en mi majeur BWV 1042, en ré mineur BWV 1052R, en la mineur BWV 1041, en sol mineur BWV 1056R. Lina Tur Bonet, violon. Musica Alchemica. Timoti Fregni, Noyuri Hazama, violon. Natan Paruzel, alto. Marco Testori, violoncelle. Margherita Naldini, violone. Matteo Messori, clavecin. Novembre 2022. Livret en anglais, français, allemand. TT 59’56. Glossa GCD 924702

Jordi Savall habille « Les Saisons » de voiles transparents

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“Voilée de gris s’approche la douce lumière du matin ; à pas languissants l’indolente nuit se retire devant elle. Vers de sombres grottes s’enfuit l’aveugle légion des oiseaux de mort ; leurs mornes cris plaintifs n’oppressent plus le cœur angoissé. - Le héraut du jour s’annonce et de ses cris perçants, il appelle le paysan reposé à reprendre son activité.” 

Sur ces vers significatifs commence la deuxième partie des « Saisons » de Haydn, l’été. L’auteur du texte, Gottfried von Swieten, nous met d’emblée dans l’ambiance de l’œuvre. Et aussi, on dirait qu’il a eu la prémonition de comment ce merveilleux musicien qui est Jordi Savall a construit son interprétation. Car ces instruments dits « baroques », même s’ils sont souvent difficiles à manier par leur instabilité face aux changements de température ou d’humidité et ses difficultés pour la justesse, apportent une transparence, une lumineuse clarté à toutes les voix qui se sont réunies pour former cet ensemble d’orchestre et chœurs et nous offrir le dernier grand ouvrage d’un compositeur déjà à la fin de son parcours de vie, mais certainement pas dépourvu de vitalité. Il y a une autre analogie avec Savall : il se présente sur scène tenant une canne de sa main droite (à la suite d’une chute) et monte avec précaution sur le podium mais, dès que le son jaillit, sa vitalité, son écoute attentive et sa direction, plutôt minimaliste mais redoutablement efficace et empathique, nous plongent dans un univers où se mêlent ténèbres et rayons de lumière. Et, en même temps, tout ce déploiement d’énergie, de précision et de clarté laisse planer un voile de mystère car « Les Saisons » ont une signification qui va bien plus loin qu’une simple allégorie du bonheur et de la vertu de la vie paysanne, d’un respect de nos liens avec la nature prémonitoire des élans écologistes d’aujourd’hui. On a, effectivement, signalé des évidentes analogies symboliques avec les rites d’initiation maçonniques, absolument limpides dans le texte de clôture de l’oratorio : « Un printemps éternel règne et une félicité́ sans fin sera la récompense des justes. Qu’une telle récompense soit aussi un jour la nôtre. Efforçons-nous-y, aspirons-y… Que ta main nous guide, O Dieu ! Accorde-nous force et courage ; ainsi nous vaincrons et nous serons admis dans la gloire de ton royaume. Amen.”  

Lina Tur Bonet et Olga Paschenko au Festival Savall de Santes Creus

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Cette année, la programmation du Festival Savall dans ces lieux emblématiques que sont les monastères cisterciens catalans de Poblet et Santes Creus a eu pour devise « La Musique, un appel pour la vie ». En revendiquant, par le choix des artistes et des programmes, la défense d’idées et des valeurs tels que la mémoire, l’écologie, la liberté et les mouvements féministes, en particulier ceux des femmes persécutées en Afghanistan ou dans la Méditerranée orientale. Dans ce sens, mettre en exergue deux grandes interprètes telles que Lina Tur Bonet et Olga Paschenko jouant Fanny Mendelssohn et Clara Wieck-Schumann aux côtés de Franz Schubert ou Ludwig van Beethoven, était un pari aussi intéressant que peu aventureux, car l’on ne pouvait qu’être quasiment sûrs de leur succès. Déjà, le cadre de l’ancien réfectoire monacal, même dans la canicule estivale, invite au recueillement et nous rend propices à une écoute attentive. Ensuite, le talent et la maturité interprétative de ces deux artistes sont bien connus à travers les média, mais il reste toujours cette légère appréhension : la renommée et son « marketing » inhérents vont-ils se traduire en une véritable soirée d’émotions ? Eh bien, oui, ce fut le cas ! Dès ses premières notes, Olga égraine cet enchanteur thème schubertien en La mineur avec délicatesse et élégance tandis que le drame désire percer au travers de ces formules d’accompagnement apparemment anodines qu’elle sait exploiter avec autant d’autorité que d’intelligence. Sa dextérité manuelle est stupéfiante, mais à aucun moment elle ne s’en sert de façon ostentatoire ou gratuite : toujours au service d’un phrasé extrêmement soigné, d’une respiration ou d’un élan émotif. Et surtout, elle est magistrale lorsqu’il s’agit de mettre les notes en relation les unes avec les autres : tensions ou détentes suivent une pensée musicale clairvoyante et toujours créative. Lina lui répond avec un son d’un raffinement divin, avec un archet créatif et une gamme infinie de nuances. Cependant, son attitude musicale nous a semblé quelque peu distante pendant les trois premiers mouvements de cette belle Sonate. Toujours du grand art, bien sûr, mais on dirait qu’elle était plus en train de contempler l’exquis tableau qui se dessinait devant elle qu’à réellement participer à le créer. Cependant, soudain, lors d’un trait en « spiccato » dans l’Allegro conclusif, on aurait dit qu’un guépard est sorti à la chasse et la grande artiste qu’elle est nous a déployé toute sa fougue et tous ses atouts. Et cela n’a pas fléchi jusqu’à la dernière note du concert, magnifiant autant l’Adagio de Fanny Mendelssohn que les trois romances de Clara Schumann !

Sonates pour violon de Biber et Schmelzer : deux nouvelles parutions

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Heinrich Ignaz Franz Biber (1644-1704) : Sonates I, III, V, VI en la majeur, fa majeur, mi mineur, ut mineur [Nuremberg, 1681] ; Parthia VII en ut mineur pour deux violes d’amour [Harmonia artificioso-ariosa, 1681]. Lina Tur Bonet, violon, viole d’amour. Musica Alchemica. Adrià Gràcia, clavecin, orgue. Jadran Duncumb, théorbe. Ronald Martín Alonso, viole de gambe. Andrew Ackerman, violone, contrebasse. Sara Águeda, harpe. Valerio Losito, viole d’amour. Ramiro Morales, luth. Octobre 2021. Livret en anglais, français, allemand, espagnol. TT 66’39. Glossa GCD 924701

Johann Heinrich Schmelzer (c1623-1680) : Sonatae unarum fidium. Sonates I-VI. Baletto di Ninfe ; Baletto di Trittone ; Ciaccona. Ars Antiqua Austria. Gunar Letzbor, violon. Jan Krigovsky, violone. Hubert Hoffmann, théorbe, colascione. Erich Traxler, orgue, clavecin. Mira Letzbor, violon. Peter Aigner, alto. Décembre 2020. Livret en allemand, anglais. TT 71’17. Pan Classics PC 10436

Foudroyant récital de violon baroque : un singulier visage de la beauté. Et une surprise à la fin !

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LA BELLEZZA. Nicola Matteis jr (1650-1714), Romanus Weichlein (1652-1706), Biagio Marini (1594-1663), Johann Heinrich Schmelzer (c1623-1680), Andrea Falconieri (c1585-1656), Heinrich Ignaz Franz von Biber (1644-1704), Antonio Bertali (1605-1669), Johann Paul Westhoff (1656-1705), Dietrich Buxtehude (1637-1707), Marco Uccellini (1603-1680), Paolo Cima (c1575-1622) + un invité. Lina Tur Bonet, violon, viole d’amour ; Musica Alchemica. Livret en allemand, anglais, espagnol. Septembre 2019. TT 68’17 (sic, en apparence, mais voir l’article). Pan Classics PC 10408

Aurelia Vișovan aux claviers 

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Lauréate du Concours MA de Bruges, Aurelia Vișovan passe avec aisance du pianoforte au piano. Bardée de prix internationaux, elle a donné la première mondiale du Concerto pour piano d’Enescu. Alors que paraît son passionnant album dédié à des oeuvres de Hummel arrangeur et compositeur (Ricercar), elle répond aux questions de Crescendo Magazine 

Votre nouvel enregistrement est centré sur la figure de Hummel. C’est un compositeur que l’on connait de nom, mais globalement peu de mélomanes l’écoutent. De plus, il souffre un peu de l’image négative d’un musicien solide, qui a composé beaucoup d’œuvres mais qui peinerait à atteindre le génie. Qu’est-ce qui, pour vous, fait l’intérêt de la musique de Hummel ?

Hummel était l’un de ces compositeurs qui ont eu la malchance d’être pris entre deux mondes : celui du classicisme viennois, style dans lequel il a été éduqué et formé comme élève de Mozart, et le romantisme naissant duquel il se sentait proche et dont il partageait les idéaux. Dans son langage musical, on retrouve son désir d'échapper à l’ancien et d’explorer de nouvelles possibilités, tant harmoniques que formelles. Cela lui donne une espèce d’exotisme parfois difficile à comprendre ; il est en permanence à la recherche de quelque chose, et il est difficile de le placer dans une catégorie... Mais en même temps, on peut franchement affirmer que sans lui, la musique romantique pour piano n’aurait pas été la même. Il était l’un des pianistes les plus importants de son temps et il a eu une influence énorme sur les décennies suivantes ! Pour moi, c’est justement l’instabilité, cette recherche perpétuelle, ces petits bourgeons d'esprit romantique qui rendent ses oeuvres tellement fascinantes. 

Cet album offre deux transcriptions : un concerto de Mozart et une symphonie de Beethoven. On sait que le genre de la transcription était très répandu et permettait de faire circuler les partitions auprès des mélomanes et des musiciens. Est-ce qu’il y a malgré tout un peu de Hummel dans ces arrangements ? 

Oui bien sûr, il y en a beaucoup, surtout dans le concerto de Mozart ! Il a passablement modifié la partie du soliste pour lui apporter plus de virtuosité, puis il a écrit de merveilleuses cadences qui sortent tout à fait du style mozartien et nous portent en avant vers le romantisme. Il a même pris la liberté d’enlever ou d’ajouter par endroit quelques mesures ! Et puis il a choisi l’instrumentation, les couleurs qu’il trouvait les plus belles et adéquates, et il a réussi à condenser toute une partition orchestrale en quatre voix -une tâche extrêmement difficile qu’il a admirablement réalisée !

Votre disque propose la Sonate en fa mineur pour pianoforte solo. Comment cette partition se distingue-t-elle des modèles de Mozart ou de Beethoven ?

Mozart et Beethoven sont déjà très différents l’un de l’autre. Mozart réussit à développer une inventivité géniale dans ses sonates tout en respectant les normes formelles. Beethoven, de son côté, dépasse de plus en plus les frontières de son temps et crée des formes alors inconnues. Hummel essaie lui aussi de nouvelles voies en donnant une importance hors du commun au deuxième mouvement, le mouvement lent, qui est d’une richesse harmonique formidable. On est surpris aussi qu’un mouvement d’une telle longueur finisse sur la dominante du mouvement suivant, comme s’il n’avait été qu’une préparation pour l’explosion de virtuosité du Finale.