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Trois en un à l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg

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Après avoir accueilli Gautier Capuçon en ouverture de saison, l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg a décidé de mettre la barre encore plus haut, en accueillant non pas un, ni deux mais bien trois solistes durant le même concert ! Liya Petrova, Aurélien Pascal et Alexandre Kantorow nous ont livré une soirée époustouflante durant laquelle virtuosité et musicalité furent les maîtres mots. Les trois musiciens se connaissent bien, ils ont notamment cofondé “Les rencontres musicales de Nîmes” en 2022. Le festival, qui en est donc à sa quatrième édition, fait la part belle à la musique de chambre de toutes les époques. 

La soirée a débuté avec le violoncelliste français Aurélien Pascal et les Variations sur un thème rococo op.33 de Tchaïkovsky. Avec une aisance manifeste et une décontraction complète, Aurélien Pascal a démontré toute sa maîtrise de son instrument. En perpétuel dialogue avec les musiciens, il a fait jeu égal avec la puissance de l’orchestre. Le pupitre des bois, très occupé tout au long de la soirée, a livré une belle prestation. Tous les musiciens ont montré une attention de tous les instants envers le soliste, et seuls quelques légers problèmes de nuances sont à déplorer. La communication fut également très visible entre le soliste et le chef Aziz Shokhakimov, très expressif et enjoué comme à son habitude.

Le festival Pianopolis à Angers : des générations d’âmes au clavier 

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Le festival Pianopolis a eu lieu du 27 mai au 1er juin. Pour cette troisième édition, deux temps particulièrement forts ont été offerts par deux femmes appartenant à deux générations éloignées : Elisso Virsaladze et Arielle Beck.

Récirtal d’Elisso Virsaladze : une leçon de piano

Le vendredi 30 mai, Elisso Virsaladze, née en 1942, qui a joué dans les salles les plus prestigieuses du monde, donnait son premier récital aux Greniers Saint-Jean d’Angers. Son art, unique, est tout un monde et impose le respect. Tout au long de la soirée en compagnie de Chopin, nous sommes frappés par ses rubatos extrêmement ondoyants, dans des mesures qui restent absolument rigoureuses. Ces mouvements subtils surprennent parfois par leurs originalités rythmiques ; ils sont si prodigieux qu’on se dit sans réserve qu’elle est peut-être la seule capable de produire de telles merveilles. Deuxième miracle : le son compact. À l’intérieur d’une dynamique très restreinte, elle exprime toutes les nuances que la partition exige. Ainsi, une montée vers une nouvelle section — notamment vers le début de la longue coda dans la Polonaise-Fantaisie ou de la Sonate n° 3 — ne débouche pas sur une explosion libératrice, mais la musique reste retenue en un certain sens, laissant à l’auditeur le soin d’entendre sa propre nuance. Dans la Troisième Sonate, sous ses doigts, plusieurs voix s’entrelacent et tissent une polyphonie aussi parfaite que celle de Bach, notamment dans la partie médiane du scherzo. Il s’agit d’une élaboration constante de la musique qui se déroule en direct, comme si elle se créait à nos oreilles. Les Nocturnes, Mazurkas et Valses suscitent la même sensation, avec un rubato encore plus mis en évidence. Les « refrains » de la Grande Valse op. 42 sont prodigieux d’agilité, de légèreté et de nuances. Chez elle, aucun pathos, aucun romantisme exacerbé, et pourtant, chacun les ressent intérieurement, guidé par la force de la musique — celle de Chopin, mais aussi celle qu’Elisso Virsaladze nous transmet à travers lui. Quelle leçon de piano !

Arielle Beck, jeunesse et maturité

Le lendemain, en fin d’après-midi, Arielle Beck, 16 ans, nous confirme que la maturité musicale n’est pas une question d’âge. Son programme — la Suite anglaise n° 2 de Bach, la Sonate en la mineur D. 784 de Schubert, la Première Sonate en fa dièse mineur op. 11 de Schumann — exige un sens de la construction et de la synthèse dont elle fait preuve avec une efficacité redoutable. Chaque pièce de la Suite anglaise est parfaitement bien cadrée dans son propre style, interprétée avec une rigueur admirable, même si elle ne laisse pas encore beaucoup de place à la fantaisie. Son Schubert est tout aussi solidement construit, chaque mouvement étant joué dans un tempo adéquat. Si l’expression de l’éternité et de l’intériorité propres à la musique du compositeur est encore à venir, Beck sait déjà mettre en avant la notion de temps suspendu, et celle du chant, si essentiels chez Schubert. À travers la Sonate de Schumann, elle fait montre d’une rigueur d’architecte. Telle une façade ou un intérieur contrasté par des éléments variés savamment introduits, elle exprime la douceur ici, la passion là, où l'inquiétude à un autre endroit. Bref, elle entre aisément dans le langage schumannien, fait d’oscillations d’humeur. Après un tel programme, la pianiste joue en bis les Variations sérieuses de Mendelssohn, avec une maîtrise ahurissante de précision et de structure. Là encore, son sens de la construction fait merveille : la longue montée vers la fin, avec une accalmie chorale au milieu, puis le retombé final, exprimant une sorte d’introspection après tant d’agitation… Tout y est mis en place avec une intelligence stupéfiante, rendant cette œuvre le sommet de la soirée.

Rencontres Musicales de Nîmes : les copains d’abord

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Du 22 au 26 août, la deuxième édition des Rencontres Musicales de Nîmes se tient à la cité romane sous la co-direction de trois amis, Liya Petrova, Alexandre Kantorow et Aurélien Pascal.

Le Jardin de la Fontaine

L’air est très humide et la chaleur accablante de la journée n’est pas encore tombée. Le sud de France connaît une canicule exceptionnelle qui atteint jusqu’à 44 degrés par endroits. Au Jardin de la Fontaine, à Nîmes, Philippe Bernhard, le directeur du festival, lance avec une vingtaine de minutes de retard une courte allocution d’ouverture du festival. « Chaque demi-heure passée, nous gagnons un degré de fraîcheur ! » s’exclame-t-il. Le concert commence, l’humidité modifie rapidement les cordes et un mur de pierre derrière l’orchestre pour un semblant de dispositif sonore n’aide pas les musiciens à avoir un retour de son nécessaire. Et pourtant, ce jardin classique du XVIIIe siècle est propice pour goûter une atmosphère estivale, une fin de vacances en compagnie de belles musiques.

Musique de chambre avec Alexandre Kantorow à La Roque d’Anthéron

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Depuis son premier prix au Concours Tchaïkovsky l’année dernière, Alexandre Kantorow est devenu l’un des pianistes les plus demandés des scènes internationales. Il est un invité régulier du Festival International de piano La Roque d’Anthéron, c’est d’ailleurs ici qu’il a fait sa première apparition française après le célèbre Concours. Cette année, il s’est produit le 9 août en deux concerts de musique de chambre.

Un voyage épique avec le Trio de Tchaïkovsky

Pour le premier concert, dans la matinée, il forme un trio avec la violoniste Liya Petrova et le violoncelliste Aurélien Pascal. Une seule œuvre figure au programme : le Trio « à la mémoire d’un grand artiste » en la mineur op. 50 de Tchaïkovsky. Soulignons d’emblée le contrôle admirable de l’instrument chez chaque musicien. Le rythme à rubatos subtils, l’ampleur dans chaque phrasé (même à des moments « serrés » il y a un espace), affirmation et discrétion, intimé et grandiloquence, chant, mouvement, passion, douleur… Leur interprétation déborde de volonté, la volonté d’évoquer une vie, réelle (celle de Nikolaï Rubinstein dont Tchaïkovsky fut inspiré) et imaginaire (de veine éminemment romantique), mais aussi leur volonté, délibérée, de faire de la musique.