Alexandre Kantorow subjugue la tribune pleine à craquer du Parc du Château de Florans

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Le 26 juillet, au Parc du Château de Florans à La Roque d'Anthéron, Alexandre Kantorow a donné son premier récital en France depuis ses deux prix au Concours International Tchaïkovski à Moscou en juin dernier : Premier Prix du piano et Prix Tchaïkovski (attribué à l’artiste le plus remarquable parmi les premiers prix de toutes les disciplines). La tribune de 2000 places quasi-complète lui a réservé un accueil immédiatement enthousiaste avec une ovation debout à la fin.

Au Festival International de piano de La Roque d’Anthéron, il est comme à la maison, y ayant déjà été invité ces dernières années. C’est d’ailleurs René Martin, le directeur artistique du Festival et des Folles Journées de Nantes (et du monde entier), qui lui a proposé un premier grand concert avec le Sinfonia Varsovia à Nantes et à Varsovie alors qu’il n’avait que 16 ans. Ce fut le début de sa (encore) jeune carrière qui l’amène à se transformer en globetrotter. Mais c’est à « La Roque », comme l’appellent les habitués, qu’il retrouve ses amis et connaissances fidèles.

Encore dans la continuité du Concours, puisque le programme de cette soirée était essentiellement constitué de pièces qu’il y a jouées (et qu’il avait déjà rodées partout à maintes reprises auparavant) : Sonate n° 1 en ré mineur op. 28 de Rachmaninov, Nocturne n° 6 en ré bémol majeur de Fauré, Sonate n° 2 en la majeur op. 2 n° 2 de Beethoven et L’Oiseau de feu de Stravinsky dans un arrangement d’Agosti. Il donne corps très concret à la Sonate de Rachmaninov, une œuvre difficile à cerner. Concret, mais débordant d’imagination. Jonchée de visions à la fois rêveuses et solides, son interprétation transporte l’auditoire dans sa bulle. Un pianissimo transcendant par ci, un forte massif par là, tout dans le même engagement, tant dans l’énoncé solennel du début du premier mouvement et dans un moment infiniment délicat du 2e mouvement que dans un élan fiévreux au 3e. Il respire chaque note avec tant de profondeur et d’authenticité que tout revit dans une justesse incroyable qui nous convainc entièrement ; on se demande alors si Rachmaninov n’avait pas écrit cette œuvre exactement comme ce jeune artiste vient de jouer… C’est en tous points magistral. Après cette intensité ébouriffante, quelques minutes de sérénité avec la Nocturne de Fauré. Sérénité certes, mais à travers une transparence désarmante et une sonorité cristalline, on sent que beaucoup de choses grondent dans le souterrain, si bien que son interprétation exprime une sorte de psychologie fauréenne insondable en restant en même temps dans la sphère absolument poétique.

Après l’entracte, la Deuxième Sonate de Beethoven. Là, il braque les projecteurs sur l’aspect théâtral d’un jeune Beethoven, plein de vigueur. Cette théâtralité, bien que très classique par sa forme, est si présente que sous les doigts d’Alexandre Kantorow, l’œuvre devient baroque par l’esprit. L’allure grave et cérémoniale du mouvement lent évoque ainsi une marche royale parfaitement réglée mais élégante, alors que le final, alternance du Mozart le plus gracieux et d'un Beethoven imposant, est abonni par sa maturité musicale stupéfiante. Et il met tout de cette maturité dans L’Oiseau de feu époustouflant, prodigieusement maîtrisé sur tous les points : technique, construction, effet orchestral, couleurs, imaginaire folklorique, résonance pianistique, conte fantastique… Nous en sommes littéralement abasourdis…

À 22 ans seulement, c’est un artiste accompli qui évolue en temps réel devant nous, qui avance sur son chemin, qui développe des idées et visions sans limite. Le public est conquis et le félicite par une ovation debout. Pour répondre aux applaudissements à tout rompre des gradins entiers, le jeune homme nous offre deux bis : l’exquise et pénétrante Meditation de Tchaïkovski (extrait des 18 pièces op. 72) et la Chasse-Neige (Etude d’exécution transcendante n° 12) de Liszt, tourmentée et romantique à souhait. Une autre standing-ovation, la dernière de cette soirée inoubliable.

Crédits photographiques : Christophe Grémiot

Victoria Okada

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