Mots-clé : Michèle Losier

La Symphonie n°3 de Mahler à l'Arsenal de Metz

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La Symphonie n°3 de Mahler a été donnée à l'Arsenal de Metz pour clôturer la saison. Pour ce faire deux orchestres, à savoir l'Orchestre national de Metz Grand Est et l'Orchestre national de Mulhouse, se sont alliés sur scène pour un total de 153 musiciens afin d'atteindre les dimensions requises par son compositeur. L'exigence est bien de mise pour respecter cette symphonie. Du point de vue de la composition de son orchestre, elle demande, outre une dimension orchestrale plus importante que celle de celui de Haydn ou de Mozart, avec des cordes, des vents et des percussions plus nombreux et plus virtuoses, des chœurs ; ici le Chœur philharmonique de Strasbourg, le chœur de Haute Alsace et le chœur des enfants du conservatoire Gabriel Pierné – Eurométropole de Metz.

Si la Shéhérazade de Rimsky-Korsakov du concert précédent permettait déjà d'apprécier les qualités de l'orchestre national de Metz Grand Est, à savoir la luisance de ses cordes, l'éclat de ses cuivres, et surtout une balance admirable des pupitres, le défi du chef d'orchestre David Reiland avec cette  symphonie de Mahler est plus ambitieux. Ainsi, la Shéhérazade est une œuvre moins longue, moins ambitieuse et nécessitant un moins grand orchestre que la troisième Symphonie n°3 de Mahler, nonobstant elle en prépare le chemin.

Dépassant l'architecture classique de l'orchestre haydenien avec les cordes comme élément central, simplement agrémenté de quelques percussions et vents, l'orchestre ici, proche de ceux des Russes comme ceux de Rimsky-Korsakov et Tchaïkovski, qui font déjà dialoguer ces pupitres de natures différentes, donnent à la rencontre des cordes et des vents, nourrie des percussions, une perspective religieuse.

Le premier mouvement s' ouvre sur un univers très brisé, moderne en ce sens, dans lequel les cuivres dominent. Progressivement l'harmonie monte avec l'apport des autres vents. Puis avec les cordes au deuxième mouvement. Plus que d'un simple dialogue musical entre les cordes et les vents, comme dans la Shéhérazade de Rimsky-Korsakov, plus même qu'une simple dialectique philosophique, la Symphonie n°3 de Mahler est un dépassement religieux vers un état d'apaisement divin, raison pour laquelle les chœurs comme autant d'anges arrivent, et la soprano qui parle d'éternité. 

Avec le temps va tout s’en va « Der Rosenkavalier » de Richard Strauss  

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« Avec le temps va tout s’en va » : ces mots d’une chanson de Léo Ferré disent si bien la réalité du Rosenkavalier de Richard Strauss, à condition qu’on les conjugue avec une réplique d’une des personnages : « C’est une mascarade viennoise » ! Cet opéra est une merveille de conception, une merveille de partition. La direction d’Alain Altinoglu, la mise en scène de Damiano Michieletto et ses interprètes le servent au mieux.

Le temps s’en va et nous emporte, irrémédiablement. Tel est le constat que fait la Maréchale. Une femme d’élégance, de joie, de bonheurs multiples, de soif de vivre, mais qui, un matin, prend soudain conscience de cette irréversibilité-là et de tout ce qui, désormais, ne lui appartiendra plus. Elle a compris que son jeune amant, Octavian, finira par la quitter pour une autre « plus jeune et plus belle » : la jeune et belle Sophie. Cette prise de conscience nous vaut des moments musicaux et vocaux admirables. Quelle tristesse, quelle nostalgie déjà dans la voix de celle qui chante, et comme l’orchestre et quelques instruments solistes en multiplient les échos. Personnellement, c’est pour moi, loin des grandes détresses exacerbées du répertoire lyrique, une page qui m’émeut chaque fois.

Mais mascarade il y a aussi ! Et c’est d’ailleurs la force de cette œuvre que de rester légère dans l’émotion grâce à ses complications vaudevillesques. Elle ne s’appesantit pas. Si elle nous émeut, elle nous fait rire. Et cela grâce à un personnage « énooorme », une sorte de Falstaff viennois, le Baron Ochs. Il a le projet d’un mariage qui le renflouera avec une jeune fille, Sophie, aux parents en quête de respectabilité mondaine. Mais, jouisseur ridicule, il va se heurter aux réjouissants stratagèmes de la Maréchale et d’Octavian. Tohu-bohu, déguisements, quiproquos, imbroglio : oui, c’est une farce alors.

Damien Michieletto installe tout cela dans un univers scénique de grande élégance, qui n’a rien de réaliste, mais qui suggère. Il réussit à donner à voir le douloureux constat de la Maréchale : sa chambre est répétée en arrière-plan, on y découvre un sosie désenchanté de cette Maréchale, ou encore des femmes de générations successives. De la neige recouvre cet espace. Comme un écho à ce « Tombe la neige, tu ne viendras pas (plus) ce soir », que chantait Adamo. Quand elle commence son air merveilleux de tristesse face au temps qui passe, on vient déposer à l’avant du plateau des dizaines de (magnifiques) horloges, en résonnance avec ses mots : « Parfois je me lève la nuit et je fais arrêter toutes les pendules, toutes ». Quelle belle image finale aussi que celle du jeune couple s’en allant au loin dans un paysage montagneux, là-bas, alors que la Maréchale rejoint le triste lit conjugal dorénavant à l’avant-plan du plateau, ici. Les bonnes idées ne manquent pas pour les scènes de farce, surlignées comme il convient (ah ! Octavian déguisé en soubrette hollywoodienne séductrice ; ah ! les deux sbires Dupont-Dupond du Baron ; ah ! les Autrichiens en shorts de cuir). Avec quelques surgissements davantage surréalistes comme les corbeaux apparaissant aux seuls yeux du Baron dans la scène de l’auberge ou de gros ballons de baudruche blancs. 

Les Troyens : Tcherniakov / Berlioz : 1 à 0

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Les Troyens, opéra en cinq actes, relate la prise de Troie, l’arrivée des vaincus à Carthage et les amours de Didon et Énée. Le rideau s’ouvre sur une famille de dictateurs, Beyrouth en cendres puis les pensionnaires d’un centre psychiatrique de réhabilitation ; tous unis par la démence, celle de Cassandre, Didon, Énée, leur suite… Une parabole de notre monde ? Peut-être. Mais dès lors les émotions sincères et délicates, les passions, la grandeur morale sont balayées par la dérision. Or c’est justement ce qu’il y a de plus beau, de plus bouleversant et d’unique dans la musique de Berlioz : un engagement total de lui-même, une vitalité exacerbée, une tendresse aussi. Qui culminent dans le duo O nuit d’ivresse et d’extase infinie succédant à une Chasse royale, orage et clair de lune des plus shakespeariens (Acte IV).

Messieurs les Anglais : Berlioz !

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Hector BERLIOZ
(1803 - 1869)
Roméo et Juliette, Op.17 - Marche troyenne, Chasse royale et orage
Michèle Losier, mezzo-soprano ; Samuel Boden, ténor ; David Soar, basse. BBC Symphony Chorus, Stephen Bryant et Laura Samuel, BBC Symphony Orchestra, Sir Andrew Davis. 2016-DDD-107’53’’. Texte de présentation en : anglais, allemand et français. CHSA 5169

Musique et guerre

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Daniel Kawka

Frank MARTIN (1890-1974)
Die Weise von Liebe und Tod des Cornets Chritoph Rilke, pour mezzo-soprano et orchestre 
Michele LOSIER (mezzo)
Felix MENDELSSOHN-BARTHOLDY (1809-1947)
Die erste Walpurgisnacht, pour solistes, choeurs et orchestre
Birgit REMMERT (mezzo), Peter LODAHL (ténor), Konrad JARNOT (baryton), Iain PATERSON (basse)
Choeurs et orchestre de La Monnaie, chef des choeurs : Martino FAGGIANI, dir.: Daniel KAWKA