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La Bohème à Nice : sauvée par les chanteurs et le chef

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Avertissement d’avant représentation : “l’Opéra de Nice avertit le public que pour sa production de La Bohème de Puccini, le metteur en scène a choisi de transposer l’intrigue dans les années 1990, à l’époque où le SIDA mettait fin à l’insouciance d’une génération, brisait des rêves et des vies. Certaines scènes du spectacle pourraient heurter la sensibilité des plus jeunes". 

Depuis une trentaine d'années, la plupart des opéras du monde entier transposent les opéras dans une autre époque ou dans un autre contexte, mais le  résultat n'est pas toujours réussi. La mise en scène de Kristian Frédric est pleine de bonnes intentions en voulant donner à l'œuvre une nouvelle dimension. Malheureusement elle prend tellement d'importance qu'elle éclipse la beauté des voix et de la musique.  

Le metteur en scène et ses collaborateurs Philippe Miesch (décors et costumes) et  Yannick Anché (lumières) s'approprient l'œuvre et la transpose en 1990. Le SIDA remplace la tuberculose, le parallèle est astucieux. A la place d'une mansarde insalubre et glacée à Montmartre, on se retrouve dans un immense loft à New York City. Les petits flocons qu'on aperçoit à travers la fenêtre, font penser à du sucre en poudre, on ne ressent pas le froid, on n'y croit pas.  Kristian Frédric essaie de provoquer et de choquer, mais il est trop sage. 

La femme nue transgenre avec un sexe d'homme énorme au fond de la scène n'impressionne pas. Certaines scènes convoquent des images faciles et on peine à comprendre d’autres moments telle des séquences puisées dans le passé : le couple sado-maso en cuir avec le martinet, les robes à paillettes évoquent plus les années 30 et l'ambiance de Cabaret à Berlin, que les années 90. Les incursions vidéo entre les actes sont dérangeantes : Freddy Mercury sur un écran géant qui annonce son SIDA quelques jours avant son décès, les bruitages, l'image qui se désagrège évoquant la maladie, irritent. Aucun des éléments du livret n’est présent  : point de pauvreté, mais du luxe et de la débauche mondaine.  Aurait-il fallu aller encore plus loin dans la surenchère pour provoquer une réaction et revisiter l'oeuvre ?

Lucia di Lammermoor à l'Opéra de Nice

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L'Opéra de Nice continue sa saison avec un autre sommet du belcanto Lucia di Lammermoor de Gaetano Donizetti. 

Après La Sonnambula de Bellini, avec la révélation de l'extraordinaire Sara Blanch,  nous découvrons une Lucia exceptionnelle incarnée par la soprano américaine Kathryn Lewek. Elle se montre époustouflante dans la maîtrise de la ligne de chant autant que dans l'art des vocalises. Sa palette de nuances et ses pianissimi sont produits avec des tons magnifiques. Chaque mot est articulé au maximum. Elle a une technique, une puissance et une subtilité sans faille qu’elle combine avec un jeu scénique bouleversant.

Dans le fameux air de la folie, il y a encore plus de lumières et d'ombres fantomatiques et hallucinatoires dans sa voix. Une pure extase qui s'envole dans un tourbillon vocal. Elle chante comme le faisaient les sopranos d'autrefois. Le reste de la distribution est du plus haut niveau. Le saisissant jeune ténor calabrais Oreste Cosimo campe le rôle de l'amant Edgardo en donnant une leçon de musicalité et de perfection technique. 

 Il a une superbe voix, impeccablement dosée et raffinée, tour à tour virile et tendre. Il est également un excellent acteur, très à l'aise sur scène. Le baryton bulgare Vladimir Stoyanov remplace au pied levé Mario Cassi souffrant. Il a acquis une reconnaissance internationale et se produit sur les principales scènes d'opéra du monde. Il a déjà interprété le rôle d'Enrico au Met à N.Y. et à Berlin et son interprétation est des plus satisfaisantes. Philippe Kahn avec sa voix chaude de basse et son physique imposant est un Raimondo prodigieux.