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Richard Brasier, à propos de l'orgue de César Franck

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C'est l'un des évènements de l'année Franck 2022, une nouvelle édition critique de l'oeuvre d'orgue du grand compositeur. Ce nouveau travail éditorial, publié par les éditions Lyrebird Music, est mené par l'organiste Richard Brasier. Crescendo-Magazine est heureux d'échanger avec ce musicien, pour évoquer cette parution qui fait déjà date. 

Quelle est l'importance de l'œuvre d'orgue de César Franck dans le répertoire d'orgue ? 

Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles la musique d'orgue de Franck peut être considérée comme importante, mais je pense que la meilleure façon de le mettre en évidence est sa plus longue œuvre pour orgue, la Grande Pièce Symphonique (Op. 17). Les seules autres œuvres de grande envergure qui lui sont antérieures sont les Six Sonates pour orgue de Felix Mendelssohn-Bartholdy (1845), Fantasie und Fuge über den Choral "Ad nos, ad salutarem undam" de Franz Liszt (1850), et l'Orgelsonate "Der 94ste Psalm" de Julius Reubke (1857). Selon Norbert Dufourcq, c'est la Grande Pièce Symphonique qui constitue le lien entre la sonate classique et la symphonie pour orgue. Elle est sans doute le principal précurseur des symphonies pour orgue de Charles-Marie Widor, dont la Symphonie I (op. 13, no 1) a été composée quatre ans seulement après la publication des Six Pièces d'Orgue en 1868. Grâce à cette seule pièce, nous pouvons constater que Franck et Cavaillé-Coll étaient destinés l'un à l'autre. Sans eux, qui sait comment se serait déroulé le développement du répertoire d'orgue français ? 

Quelles sont les caractéristiques stylistiques de l'œuvre d'orgue de César Franck ? Quelles sont ses particularités par rapport à celles de ses contemporains ? 

Bien qu'il ait intégré la classe d'orgue de François Benoist en 1840, le père de Franck était déterminé à voir son fils rejoindre une illustre liste de pianistes concertistes du XIXe siècle. Ce n'est qu'en 1846, après s'être brouillé avec son père à cause de ses fiançailles avec Eugénie-Félicité-Caroline Saillot-Desmousseaux, que Franck a décidé de consacrer sa vie à l'orgue et à la composition. Bien qu'il soit enfin libre de laisser derrière lui sa carrière troublée de pianiste, les techniques qu'il a maîtrisées en tant qu'étudiant font toujours partie de lui. Cela se voit dans ses œuvres pour orgue, où l'on trouve une combinaison merveilleusement sensible de techniques qui conviennent à la fois au piano et à l'orgue. La formation de Franck en tant que pianiste et organiste lui a donné les outils nécessaires pour exprimer les qualités expressives et ardentes des orgues de Cavaillé-Coll d'une manière qu'aucun de ses contemporains ne pouvait égaler. Ce n'est là qu'une des nombreuses raisons pour lesquelles sa musique est si particulière.