Troisième Livre de Sonates de Leclair : extrait d’une probe intégrale

par

Jean-Marie Leclair (1697-1764) : Sonates en si mineur, ut mineur, la mineur, ré majeur Op. 5 no 5, 6, 7, 8. Adrian Butterfield, violon. Sarah McMahon, violoncelle. Silas Wollston, clavecin. Livret en anglais. Décembre 2020, mars 2021. TT 55’22. Naxos 8.574351

Depuis son enregistrement de janvier 2008, Adrian Butterfield déploie disque après disque une fine intégrale des sonates de Leclair, essentiel corpus du violon français écrit dans la première moitié du règne de Louis XV. Le premier Livre bénéficiait du soutien d’Alison McGillivray (viole de gambe) et Laurence Cummings (clavecin). Deux autres partenaires se distinguent dans ces quatre sonates médianes du troisième Livre de 1734, plus exigeant que les deux premiers, et qui innove par ses processus à variation. La mention du violoncelle dans la partition traduit l’évolution des goûts et la vogue nouvelle de l’instrument. Sarah McMahon et Silas Wollston, peu flattés par les micros, tissent un accompagnement discret, tout à fait apparié au jeu chaste du soliste. 

Dans la balance entre influence corellienne et grâce française, constitutive des « goûts réunis », le violoniste anglais penche peut-être davantage vers l’élégance de cour, alors qu’il osait un ton moins inhibé dans les premiers recueils. On apprécie les couleurs délicates, lumineuses mais sans aigreur, de son instrument, non précisé dans le livret qui s’attache toutefois à décrire le style et le langage de ces pages. D’une dynamique impérieusement contrôlée, d’une projection nettement focalisée, quoique legato près de la corde, le jeu intègre subtilement les références à la danse, dessine finement les traits, rythme sans peser, mais manque de charme et de charisme. La récente anthologie de David Plantier savait pourtant judicieusement distinguer entre la modération et la tiédeur.

On ne prendra pas cette prestation en défaut de sensibilité (émouvante dans la sonate en ut mineur dite « Le Tombeau ») : tout s’y esquisse avec un indéfectible tact, s’y articule avec courtoisie, au risque certes d’estomper les emprunts rustiques de la sonate en ré majeur. Mais l’esthétique de Leclair, qui dédia ce Livre au souverain et entendait certainement à ce titre marquer son auditoire, ne semble-t-elle pas ici quelque peu édulcorée par cette probe interprétation ? Techniquement irréprochable, mais trop timide ? Un château de classicisme bon teint qui relèverait du Petit Trianon plutôt que du Grand. En tout cas, et mieux qu’à titre documentaire, cette intégrale au long cours menée par Adrian Butterfield pourra se consulter globalement comme un sûr guide des menus plaisirs. 

Christophe Steyne

Son : 8 – Livret : 7 – Répertoire : 8,5 – Interprétation : 7,5

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