Un air slave souffle sur les pays de la Loire par François Hudry
Directeur musical désigné de l’Orchestre Symphonique de Prague à compter de la saison prochaine, le chef tchèque Tomáš Netopil était l’hôte de l’Orchestre National des Pays de la Loire pour trois concerts donnés à Nantes et à Angers. Sous sa baguette frémissante, précise et dynamique, la soirée angevine a débuté sur les chapeaux de roue dans un train d’enfer avec l’Ouverture de la Fiancée Vendue de Bedřich Smetana. Rien de tel pour jauger de la cohésion, de la précision et de la virtuosité d’un orchestre, un défi remarquablement tenu par un ONPL apparemment subjugué par son chef invité. Traditionnelle entrée en matière dans les programmes d’autrefois et malheureusement abandonnée de nos jours, une ouverture de concert est pourtant particulièrement bienvenue pour mettre en condition l’orchestre autant que le public. C’est tout un pan essentiel du répertoire symphonique qui est ainsi abandonné, les ouvertures de Beethoven, Weber, Mendelssohn, Brahms ou Rossini étant désormais reléguées dans l’oubli.
Le concert se poursuivait par la très rare et flamboyante Fantaisie pour violon et orchestre de Joseph Suk. Élève, puis gendre d’Antonin Dvořák et grand-père du grand violoniste portant le même nom et le même prénom, Josef Suk, fut reconnu dans sa patrie comme un compositeur ouvrant la voie à l’école moderne tchèque qui verra fleurir Janáček et Martinů. Konzertmeister de la prestigieuse Philharmonie Tchèque, pilote d’avion et sourire ravageur, le jeune violoniste Jan Mráček est un des solistes les plus en vue de la République Tchèque. Son interprétation très engagée, à la fois romantique et virtuose, n’est jamais écrasée par la puissante orchestration de la partition. Son jeu est précis, sa sonorité puissante et son intonation parfaite. Visiblement surpris et ému par l’accueil chaleureux du public qui découvrait une oeuvre quasi inconnue en France, Jan Mráček lui offrit un bis de Paganini ébouriffant et semé d’embûches enchantant l’auditoire comme les musiciens de l’orchestre qui lui envoyèrent de vigoureux bravos.
Mais le point culminant attendu du concert était bien sûr la Symphonie Pathétique, testament musical de Tchaïkovski dont le programme restera pour toujours mystérieux, même si les rumeurs autour de son suicide semblent confirmées par cette musique hantée par la mort. Tomáš Netopil en donna une interprétation nerveuse et solide, sans aucun pathos excessif. Sous sa direction, le pupitre des cordes a trouvé une puissance particulière dès les premières mesures de l’adagio initial annonçant l’atmosphère particulièrement noire de la dernière oeuvre du compositeur russe. L’allegro con grazia (étonnante valse à cinq temps) a à peine dissipé cette ambiance délétère avant la course folle de l’allegretto molto vivace, sorte de dernier sursaut de vie que Tomáš Netopil a dirigée de main de maître, créant des feux d’artifice dans tous les pupitres de l’orchestre. La musique s’est ensuite dissoute dans un dernier souffle avec l’adagio lamentoso conduit avec sobriété et pudeur.
Angers – Auditorium du Centre des Congrès, jeudi 24 avril 2025
Crédits photographiques : Marco Borggreve