Un beau panorama de l'oeuvre de Gabriel Dupont

par

Gabriel DUPONT (1878-1914)
Poème, pour piano et cordes - Pièces pour piano extraites de Les Heures dolentes et de La Maison dans les dunes - Journée de printemps, pour violon et piano.
Marie-Catherine GIROD (piano), Quatuor PRAZAK
2014-DDD-78'-Textes de présentation en français, anglais et allemand - Mirare MIR 238

Gabriel Dupont, mort tuberculeux à 36 ans, n'est pas tout à fait un inconnu grâce, entre autres, à Marie-Catherine Girod, qui avait enregistré un CD de mélodies chez Timpani et le cycle pour piano La Maison dans les dunes en 1997. Ce même cycle pour piano avait aussi connu un enregistrement par Emile Naoumoff chez Saphir, couplé avec l'autre cycle, Les Heures dolentes et par François Kerdoncuff chez Timpani toujours, couplé, lui, avec le Poème. Il faut enfin signaler le CD pionnier de Daniel Blumenthal qui interprétait Les Heures dolentes chez Cybelia. Tout cela donne une idée assez complète du tempérament de Dupont, même s'il manque des enregistrements de ses opéras : La Cabrera a été enregistrée chez Bongiovanni, et la pétulante ouverture de La Farce du cuvier (créé à La Monnaie), reprise dans un album historique paru chez Timpani, mais c'est tout. Elève de Massenet et de Widor, second prix de Rome en 1901 (après Caplet mais avant Ravel), Dupont s'inscrit pourtant dans le sillage franckiste. Cela frappe dès l'écoute de l'imposant Poème pour piano et cordes de 1911, qui enchantera les amateurs de grandes et fortes pièces de musique de chambre, comme le Concert de Chausson, ou les quintettes de Castillon, Vierne ou Pierné. Le piano ne domine jamais, mais fait corps avec les cordes : tous deux s'avancent ensemble de manière tumultueuse. Un premier mouvement emporté et violent, un second très bref, petit oasis de poésie entre deux fleuves impétueux, puis un long finale : le piano y scande vigoureusement les effusions mélodiques des cordes. L'ouvrage, dense et tendu, ne se conclut pas vraiment dans la joie, mais le musicien s'y montre sous un jour plus ensoleillé. Toute violence disparaît dans les cycles de piano, série de pages ou "Dupont va - via les paysages qu'il contemple - décrire musicalement ses longues journées de convalescence" (notice de Rodolphe Bruneau-Boulmier). Marie-Catherine Girod reprend deux pièces de La Maison dans les dunes, et sept des Heures dolentes. Pièces souvent lentes et graves, quelquefois illuminées par une grâce soudaine (le beau thème large de Mélancolie du bonheur), par de jolies enluminures (les arpèges de Après-midi de dimanche ou de Une amie est venue avec des fleurs). Coquetteries réunit légèreté et sens du grandiose, à la manière paradoxale de Debussy. Parfois, l'on décèle aussi l'influence de Ravel ou même de son maître Massenet. Le dernier morceau, intitulé Calme, rappelle Fauré par ses harmonies délicates. Le CD conclut par deux pièces pour violon et piano, Journée de printemps, dont la notice ne dit rien. On suppose que le violoniste est le premier violon du quatuor Prazak, Pavel Hula. Cela commence comme une sonate franckiste, se poursuit plus classiquement, pour finir par de jolies demi-teintes irisées évoquant un coucher de soleil. Tel est ce beau disque, qui révélera à ceux qui ne le connaissaient pas encore un compositeur attachant, mort trop tôt sans doute, mais à la voix prenante, personnelle et douloureuse.
Bruno Peeters

Son 9 - Livret 8 - Répertoire 9 - Interprétation 10

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