Une version idéale d'Adriana Lecouvreur

par

Francesco CILEA (1866-1950)
Adriana Lecouvreur

Angela GEORGHIU (Adriana Lecouvreur), Jonas KAUFMANN (Maurizio), Olga BORODINA (Princesse de Bouillon), Alessandro CORBELLI (Michonnet), Iain PATON (Poisson), David SOAR (Quinault), Janis KELLY (Melle Jouvenot), Sarah CASTLE (Mlle Dangeville), Maurizio MURARO (Prince de Bouillon), Bonaventure BOTTONE (Abbé de Chazeuil), Barbara RHODES (Mlle Duclos), Royal Opera Chorus
Orchestra of the Royal Opera House, dir. : Mark ELDER, mise en scène David MC VICAR, décors Charles ADWARDS, costumes Brigitte REIFFENSTUAL
2010-16:9 0 NTSC 150' et 23' bonus LPCM Stereo DTS Digital 5.1 Surround (opera) sous titres en anglais, français, allemand, espagnol-présentation en anglais, français, allemand-chanté en italien
On a sans nul doute mal classé sinon rabaissé Francisco Cilea (1866-1950) en l'enrégimentant d'office aux côtés de certains véristes tels que Mascagni ou Giordano. En fait, si en début de carrière il n'est point insensible à cette école, il s'en écarte presque totalement par la suite, sa nature raffinée, délicate, revenant à une conception plus épurée, plus poétique aussi de l'orchestre comme de la mélodie directement reliée au bel canto de la première moitié du 19 ème siècle par bien des aspects. Conception esthétique en germe dans son Arlesiana (1897 d'après Daudet) et qui éclate au grand jour avec la célèbre Adriana Lecouvreur créée le 6 novembre 1902 au Lirico de Milan. Rien dans cette réalisation du Royal Opera House ne saurait rappeler l'esthétique vériste du « coup de couteau » puisé dans une tranche de vie contemporaine brûlant de sincérité. Ici, c'est bien davantage dans une inspiration classique voire quasi baroque, l'impossible équilibre entre le réel et l'imaginaire, entre le monde de la guerre (Saxe) et celui de l'élaboration artistique (Adriana), entre le jeu de miroirs du théâtre et la vérité du cœur -à ceci près qu'aucune transcendance n'est plus permise ! Le personnage principal nous fait remonter en un 18e siècle onirique et réel en même temps : avec la grande tragédienne elle -même (1692-1730), maîtresse du Maréchal de Saxe et morte mystérieusement (empoisonnée). Ces quelques éléments historiques permettent alors au librettiste Colautti d'organiser l'action et ses rebondissements de manière fort efficace. Dès lors rien ne rattachant l’œuvre au climat italien du vérisme, tous les acteurs-inventeurs du Royal Operas'installent dans un registre quasi intemporel, sans aspérité mais nous stupéfiant de vérité et de beauté. A une mise en scène classique avec somptueux costumes, décors intelligents, lumières discrètes et bien étudiées, répondent la distribution vocale de premier ordre et l'admirable prestation de l'orchestre du Royal Opera House emmené de main de maître et avec une constante ductilité par le chef Mark Elder. Tous les interprètes sans exception se montrent remarquables. Olga Borodina au mezzo et au legato de miel, Michonnet-le -régisseur campant un amoureux sans espoir d'Adriana d'une étonnante vérité humaine, discrète, désabusée mais pleine d'ardeur (Alessandro Corbelli). Enfin les deux héros apparaissent dans la plénitude de leur art. Angela Gheorghiu au phrasé sensible, habilement nuancé et l'éblouissant Maurizio, viril et cynique, de Jonas Kaufmann. Le cadrage et le montage donnent une image séduisante sans sophistication inutile. Certes on n'est ni chez Mozart, ni chez Verdi, mais dans un univers musical qui possède son propre charme et procure un immense plaisir à regarder et entendre. Une version idéale pour qui découvrirait Adriana Lecouvreur.

Bénédicte Palaux Simonnet

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