Une Messe païenne

par

Frederick DELIUS
(1862-1934)
A Mass of Life – Prelude and Idyll

Janice WATSON (soprano), Catherine WYN-ROGERS (mezzo-soprano), Andrew KENNEDY (ténor), Alan OPIE (baryton), The Bach Choir, Bournemouth Symphony Orchestra, dir.: David HILL
2 CD 47’ 31’’ et 70’ 48’’ – Texte de présentation en anglais – chanté en allemand (Mass) et anglais (Idyll) – Naxos 8.572861-62

A Mass of Life, créée par Sir Thomas Beecham en 1909 mais pensée dès 1904, peut passer comme l’équivalent anglais de Also sprach Zarathustra de Richard Strauss (1896), parties vocales en plus. Comme son quasi-contemporain germanique, Delius a eu l’ambition d’embrasser la gigantesque fresque philosophique de Nietzsche. Il en a choisi les fragments poétiques les plus proches de sa sensibilité pour en tirer un oratorio profane qui n’a de messe que le nom. Peu attiré par la religion (et c’est un euphémisme), Delius clame sa foi en l’Homme face à la Nature et son destin, libéré de toute entrave, dans une oeuvre imposante, divisée en deux parties et onze morceaux distincts. Zarathoustra (remarquable Alan Opie) médite, se repose, parle et exulte, entouré de solistes et de choeurs tour à tour puissants, évocateurs ou apaisants. De ravissants interludes instrumentaux, petits joyaux à savourer intensément, introduisent les intenses pulsations chorales. Pas ou peu de trame dramatique donc, mais un large souffle impressionniste qui se souvient encore d’un certain postromantisme hérité, entre autres, de l’ami Grieg ; il rappelle le parcours cosmopolite du grand voyageur que fut Delius. A celui qui découvrirait cette page grandiose, conseillons le bel hymne à la nuit qui conclut la première partie (“Nacht ist es”, plage 5 du 1er CD), ou l’amorce du finale “Gottes Weh ist tiefer” (plage 3 du 2ème CD). Malgré l’exigence de son écriture et l’ampleur des forces employées, A Mass of Life a connu plusieurs enregistrements : par Beecham, le créateur, bien sûr, mais aussi par Charles Groves, Norman del Mar et Richard Hickox. La présente a l’avantage d’être la plus récente (la plus économique aussi), d’être bien chantée et dirigée de manière fort enlevée. Avec celle d’Hickox, à la prise de son Chandos chatoyante, elle paraît s’imposer actuellement. Prelude and Idyll est un arrangement tardif, fait en1932 par Delius lui-même, de son opéra vériste, Margot la Rouge (auquel collabora… Ravel !). Avec de nouvelles paroles de Walt Whitman (“Once I pass’d through a populous city”), le compositeur livre une petite cantate de vingt minutes, dans laquelle l’ermite malade de Grez-sur-Loing donne joyeusement la main à l’étudiant espiègle qui courut les bas-fonds parisiens de 1902 : étonnant ! Deux oeuvres dissemblables a priori, sans doute, mais qui éclairent bien la personnalité, dès le départ très personnelle, d’un compositeur connu par ses petites pièces “pastorales” telles On hearing the first cuckoo on spring, mais qui eut, comme Fauré, des envies de “grands départs inassouvis…”
Bruno Peeters

Son 9 – Livret 7 - Répertoire 9 - Interprétation 10

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