Varduhi Yeritsyan, un voyage musical en papillons 

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La pianiste  Varduhi Yeritsyan nous propose un intéressant album (Indesens Calliope Records) autour du thème des papillons. Il y a bien sûr Schumann, avec lequel l’artiste témoigne d’un lien fort, mais aussi Grieg et le rare Massenet.  Crescendo Magazine est heureux de s’entretenir avec cette brillante musicienne. 

Votre album prend le titre de “Papillons”. La question qui vient naturellement est : pourquoi ce titre ? Est-ce que vous vous sentez proche de la nature ? 

Je me permettrais de citer Claude Debussy pour répondre à votre question : "Je me suis fait une religion de la mystérieuse nature". Je ressens de plus en plus le besoin d'être connecté au monde dans sa pureté, loin des activités humaines et de l'agitation qu'elles provoquent. Notre quotidien est marqué par la saturation d'informations que l'on reçoit toute la journée par l'intermédiaire de nos téléphones portables. Il est important de rompre de temps en temps avec ce fonctionnement et contempler la nature est la meilleure façon pour cela. Mais évidemment, le titre "Papillons" ne relève pas uniquement de ce besoin d'introspection et fait référence à ceux de plusieurs oeuvres proposées.

Il y a le titre, le concept et les œuvres proposées. Votre album propose des partitions de Schumann, auquel on pense naturellement, mais aussi de Massenet et de Grieg. Comment avez-vous sélectionné ces partitions ? 

Le projet est né de mon désir d'enregistrer le Carnaval de Robert Schumann. C'est une oeuvre qui m'accompagne depuis de longues années, je l'ai énormément travaillée avec mon professeur Brigitte Engerer qui en était une exceptionnelle interprète. L'un des courts mouvements qui composent ce monument pianistique s'intitule Papillons et cite l'opus 2 de ce compositeur, lui-même mosaïque de miniatures évocatrices. L'idée de proposer dans ce disque cette dernière pièce m'a paru évidente. Pour Schumann, les battements d'ailes des papillons renvoient aussi à l'émoi amoureux, aux battements d'un cœur qui s'emballe à l'évocation de l'être aimé. J'ai eu envie de compléter ce récital avec les Variations, opus 1 qui sont aussi une évocation de l'amour mais aussi avec des miniatures proposant d'autres visions des lépidoptères d'où la présence de Massenet et de Grieg dans ce programme.

Votre album propose 2 courtes pièces de Jules Massenet. Sa musique pour piano reste trop mal connue. Quelles sont les qualités musicales de ces partitions ? Avez-vous envie d'explorer plus en profondeur sa musique pianistique ? 

On observe aujourd'hui un regain d'intérêt pour la musique de piano de Jules Massenet. Elle est incroyablement évocatrice, imagée, colorée. On se rend compte que celui dont le nom reste inévitablement associé au genre de l'opéra n'était pas dépendant des mots pour développer un langage narratif. Il y a quelque chose de particulièrement intéressant dans ses Papillons, c'est la conduite harmonique du discours. Bien évidemment, on s'attend de la part de ce musicien à des formules fugaces qui relèvent de la description mais il y a des accords extraordinaires qui s'enchaînent avec une confondante rapidité et qui participent de cette logique illustrative. Évidemment, j'ai lu d'autres pièces de ce compositeur et je ne m'interdis pas, loin de là, de travailler le reste de son corpus pianistique.

Le plus grande partie de cet album est consacrée à des partitions de Robert Schumann. J’ai lu par ailleurs que c’est un compositeur qui compte beaucoup pour vous ? Quel est votre lien avec Schumann ? 

Ainsi l'enseignement de Brigitte Engerer a-t-il été décisif dans mon approche de ce compositeur, mais ma passion pour Schumann est bien antérieure à mon arrivée en France. Elle est née en Arménie, dès que j'ai découvert son langage harmonique fascinant et sa capacité à créer un univers poétique puissant en quelques notes. Grand compositeur de lieder, Schumann faisait preuve d'une concentration dans ses idées qui m'a toujours bouleversée. Je crois que j'aime vraiment toute sa musique, je ne vois aucune partition de moindre intérêt chez lui. J'éprouve aussi une immense tendresse pour la personnalité de Robert Schumann, pour cet être fragile alternant périodes d'euphorie créatrice et de profonde dépression.

Est-ce que vous êtes également intéressée par la musique de Clara Schumann dont on observe actuellement un salutaire revival ?  

Absolument. J'ai joué plusieurs de ses œuvres, notamment les Variations sur un thème de Robert Schumann. C'est une immense musicienne, à l'évidence et la renaissance de sa musique aujourd'hui n'est que justice. La rencontre entre Clara et Robert relève du miracle. C'est une conjonction inouïe comme l'Histoire de la musique en connaît peu.

A écouter :

Papillons. Oeuvres de Robert Schumann, Edvard Grieg et Jules Massenet.  Varduhi Yeritsyan, piano. Indesens Calliope Records.

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

Créditds phorographiques : DR

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