Violon pan-américain avec Andrew Wan et Kent Nagano 

par

Alberto Ginastera (1916-1983) : Concerto pour violon Op.30 ; Leonard Bernstein (1918-1990) : Sérénade pour violon solo, cordes, harpe et percussions ; Samy Moussa (né en 1984) : Concerto pour violon “Adrano”. Andrew Wan, violon ; Orchestre symphonique de Montréal, Kent Nagano. 2019. Livret en français et anglais. Analekta. AN 2 8920. 

Comme toujours, Kent Nagano propose un projet discographique intelligent et conceptuel et qui sort des sentiers battus : un voyage violonistique concertant pan-américain entre les pays et les époques. En complicité avec Andrew Wan, violon solo de l’Orchestre de Montréal, il met en miroir Alberto Ginastera et Leonard Bernstein tout en proposant un contrepoint contemporain avec une pièce du jeune Canadien Samy Moussa. 

Figure majeure de la musique d’Amérique latine, Ginastera a composé un Concerto pour violon a la demande du New York Philharmonic et Leonard Bernstein. Créée sous l'archet de Ruggiero Ricci en 1963, cette partition est étonnante. Elle tire plus vers le dialogue du soliste avec orchestre que vers le concerto. Le violon occupe la scène sans répit, que ce soit par des cadences ou des passages en écho à un orchestre d'où émergent sept percussionnistes plutôt utilisés pour la variété des timbres que pour la puissance brute. Le travail sur les timbres est impressionnant et l’ensemble compose une partition assez inclassable par sa richesse sonore et sa palette de nuances entre scansions et échanges instrumentaux aux limites de l'expérience sonore. Le son étincelant et tranchant d’Andrew Wan s’accorde bien avec la direction analytique et rigoureuse de Kent Nagano. 

Changement de ton et de registre avec la Sérénade pour violon, cordes, harpe et percussions de Leonard Bernstein. Le ton est plus narratif et les contrastes plus marquées dans une partition influencée par le Banquet de Platon. Andrew Wan conserve une vision assez clinique et tranchante, toute en contrastes avec les lectures plus évocatrices d’Isaac Stern ou Gidon Kremer avec Leonard Bernstein (Sony et DGG). Kent Nagano dirige à la pointe sèche cette musique lui découvrant une forme de radicalité que Bernstein lui-même n’aurait sans doute pas envisagée. 

Jeune prodige de la musique contemporaine, Samy Moussa est l’un des compositeurs du moment. Si on avait particulièrement aimé sa partition A Globe Itself Infolding pour orgue et orchestre, créée et enregistrée par Kent Nagano et son OSM, on est moins séduit par ce Concerto pour violon ‘Adrano”, nouvelle commande de l’orchestre canadien. Le nom d’Adrano fait référence à un ancien dieu du feu qui aurait vécu sous le mont Etna. Pourtant, on note plus des atmosphères éthérées et planantes (presque à la Arvo Pärt) qu’une puissance divine démoniaque. Que ce soit dans le registre du violon ou les passages avec orchestre, la partition semble être une recherche quelque peu inaboutie, un matériau brut qui mériterait des développements. 

Dès lors, difficile de noter ce disque, attachant par l’engagement des interprètes qui apportent à toutes ces partitions un soin exceptionnel, passionnant par son objet éditorial, mais qui risque de rester au stade de curiosité. 

Son : 10 - Livret : 8 - Répertoire : 8 - Interprétation : 8 

Pierre-Jean Tribot 

 

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