A l’OSR, le succès mérité de Fabio Luisi 

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Pour venir en aide au Réseau du Cancer du sein qui œuvre depuis vingt ans, l’Orchestre de la Suisse Romande convie le grand public à deux concerts donnés au Victoria Hall les 8 et 10 octobre. A cette occasion, il rappelle à Genève Fabio Luisi qui a été le directeur musical de l’ensemble romand de 1997 à 2002, période de cinq années dont nous avons conservé un souvenir mitigé, tant l’entente entre le chef et les musiciens était difficile. Le maestro a pris par la suite la succession de James Levine au Met de 2011 à 2017, tout en devenant le Generalmusikdirektor à l’Opernhaus de Zürich depuis 2012 jusqu’à nos jours. Il reparaît donc au Victoria Hall face à une formation qui a accueilli nombre de nouvelles recrues au cours de ces deux dernières années.

Le concert débute par le mal aimé et le moins connu des concerti de Sergueï Rachmaninov, le Quatrième en sol mineur op.40, créé par l’auteur lui-même au piano et l’Orchestre de Philadelphie dirigé par Leopold Stokowski le 18 mars 1927 et n’obtenant qu’un accueil glacial. Ici la soliste en est la jeune pianiste française Lise de la Salle qui se laisse galvaniser par l’énergique exposition instrumentale en produisant un jeu clair et ample qui paraît d’abord un peu raide avant de se libérer dans le dialogue avec le cor anglais et les bois. La technique s’avère éblouissante tout au long de cet Allegro vivace qui, bien curieusement, ne comporte aucune cadence. Alors que le canevas instrumental murmure en sombres demi-teintes la chanson enfantine ‘Three Blind Mice’, le solo se dépouille de tout effet jusqu’au brutal coup de théâtre qui électrise l’atmosphère. Le Final accuse les contrastes rythmiques et les oppositions de coloris par des traits brillants que le public applaudit à tout rompre. Prenant la parole, Lise de la Salle propose en bis une page que l’on aurait pu entendre dans un cabaret new yorkais de l’époque (Fats Waller en est-il l’auteur ?)

En seconde partie, Fabio Luisi présente l’une des grandes symphonies de Tchaïkovski, la Cinquième en mi mineur op.64. Dans un tempo extrêmement lent, il en aborde la marche initiale en feutrant la progression jusqu’à l’Allegro con anima où le legato domine les éclats du tutti tout en usant du ritenuto pour élaborer le phrasé mélodique. En un pianissimo tout aussi long se développe l’Andante cantabile que le cor enveloppe d’une lumière tendre qui irradie ensuite les cordes. Mais la clarinette glisse une note triste annonçant les trompettes de la tragédie que le lourd pizzicato des cordes graves décantera pour revenir à une apparente sérénité. Comme un intermède s’enchaîne la Valse aux lignes arachnéennes que saupoudrent les bois, tandis que le Final se pare des accents d’un choral à la fois douloureux et lointain comme un souvenir, débouchant sur un Allegro vivace véhément qui sollicite les cuivres tout en jouant des contrastes d’éclairage afin de parvenir à une conclusion aussi interrogative qu’inexorable. Par de bruyants hourras, les spectateurs conquis manifestent leur enthousiasme pour ce chef métamorphosé que l’orchestre lui-même plébiscite.

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, le 8 octobre 2021

Crédits photographiques : Nelly Rodriguez

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