Accentus rassemble un assortiment de cantates de Bach par trois valeureuses équipes allemandes

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Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Cantates Ich habe genug BWV 82 ; Der Friede sei mit Dir BWV 158 ; Ich will den Kreuzstab gerne tragen BWV 56. Michael Volle, basse. Robin Johannsen, soprano. Raphael Alpermann, orgue, direction. Membres du RIAS Kammerchor. Akademie für alte Musik Berlin / Cantates Es erhub sich ein Streit BWV 19 ; Gott soll allein mein Herze haben BWV 169 ; Der Friede sei mit Dir BWV 158 ; Man singet mit Freuden vom Sieg BWV 149. Lenneke Ruiten, soprano. Anke Vondung, alto. Benedikt Kristjansson, ténor. Peter Harvey, basse. David Franke, orgue. Hans-Christophe Rademann, Gaechinger Cantorey / Cantates Allein zu Dir, Her Jesu Christ BWV 33 ; Wer Dank opfert, der preiset mich BWV 17 ; Was Gott tut, das ist wohlgetan BWV 99. Julia Sophie Wagner, soprano. Stefan Kahle, alto. Wolfram Lattke, ténor. Tobias Berndt, basse. Gotthold Schwarz, Thomanerchor Leipzig, Sächsisches Barockorchester. Décembre 2016, septembre 2018, octobre 2018. Livret en allemand, anglais, français (seul le ACC 30471 inclut les paroles des cantates, en allemand non traduit). TT 67’26, 73’35, 54’49. Coffret de trois CDs ACC 80571 (ACC 30410 + 30466 + 30471).

Ce solide coffret cartonné réédite trois parutions relativement récentes, enregistrées entre décembre 2016 et octobre 2018, et confiées à trois différents ensembles. Neuf cantates sacrées : BWV 17, 19, 33, 56, 82, 99, 149, 158 (Der Friede sei mit Dir apparaît dans deux disques) et 169. Pour une ou plusieurs voix ; avec ou sans chœur ; avec pour les hauteurs pupitres féminins ou d'enfants ; certaines célèbres (Ich habe genug, Ich will den Kreuztab gerne tragen...) d'autres moins ; certaines spectaculaires (BWV 19, 149, avec trompettes timbales) d'autres intimistes. Il y en aura pour tous les goûts !

Même si un seul des livrets contrecollés dans les trois digipacks inclut les paroles, on doit saluer le grand intérêt des notices de présentation, notamment celle consacrée aux cantates pour basse solo, qui mentionne les récentes recherches de Christine Blanken au sujet du librettiste Christoph Birkmann (1703-1771), théologien et érudit natif de Nuremberg ; cette attribution entend désormais dissiper l'anonymat entourant certains textes de cantates, et elle explicite par exemple le symbolisme de « Je porterai volontiers la croix ».

Investissant la même parenté esthétique, on applaudira globalement le haut niveau d’accomplissement des trois équipes allemandes, tant pour les interventions chorales (à trois ou quatre par parties, et une large trentaine de chanteurs pour le Thomanerchor) que pour l'accompagnement, précis mais sans sécheresse, et innervé de savoureuses contributions de détail (le basson de Dora Kiraly dans le duo Seid wachsam, ihr heiligen Wächter). S’intercalent quelques intermèdes orchestraux, notamment trois Sinfonias dans l’album de l’Akademie für alte Musik de Berlin, animées par les pétillants tuyaux de Raphael Alpermann pour l’obbligato de la BWV 169.

Cette même Gott soll allein mein Herze haben nous est offerte intégralement dans le programme proposé par la Gaechinger Cantorey, capté le 29 septembre 2018 en l'église Sankt Wenzel de Naumburg pour la fête de la Saint Michel. Élancé par le fougueux Er erhub sich ein Streit, le CD inclut deux œuvres en lien avec cette fable liturgique, et recourt au prestigieux orgue du lieu, –un des chefs-d'œuvre du facteur Hildebrandt que Bach expertisa et félicita.

Les solistes appelleront des commentaires variés. Dans le récital qui lui échoit en plein, le baryton Michael Volle se distingue par une caractérisation assurée malgré un timbre qui manque d'homogénéité et une projection parfois tendue dans le haut du registre, notamment dans le fameux air du sommeil. Pour la cantate BWV 149 à quatre chanteurs, le plateau convainc, moyennant une mezzo (Anke Vondung) dans la tessiture d'alto. On notera la présence de Peter Harvey, qui contribua par ailleurs aux enregistrements de John Eliot Gardiner (SDG), notamment le volume 7 lui aussi dédié, et de façon plus cohérente, à l’imagerie de l'archange et du dragon.

L'album enregistré à la Lutherkirche de Leipzig bénéficie de prestations hautes en couleur, que ce soit l'alto doux-amer de Stefan Kahle (Wie furchtsam wankten meine Schritte) ou le ténor pétulant de Wolfram Lattke (Welch übermass der Güte schenkst Du mir) ; tous deux réunis dans un Gott, der Du Liebe heisst prodigieusement souple et véloce. Dans le livret en forme d'interview, Gotthold Schwarz revient sur l'importance de sauvegarder l'extraordinaire substance de la musique de Bach, quand bien même « la relève vient d'un monde qui n'a plus forcément de lien avec la musique sacrée » et que certains jeunes garçons sous son Kantorat « découvrent le choral lors de la préparation chez les chanteurs de Saint Thomas ». Quoique l’articulation filoche parfois chez les cadets (Ehr sei Gott in dem höchsten Thron), quoique si pour une telle sélection de radieuses cantates l'enthousiasme cède çà et là à la neutralité du ton, la ductile conduite du Sächsisches Barockorchester perfuse à tous une contagieuse énergie.

L'éventaire rassemblé dans ces trois disques ne brigue aucune unité thématique ni formelle, mais dans l'ensemble les interprétations séduisent toutes par leur effectif généreux, leur authentique engagement, leur cohésion d'approche et leur vitalité. Si vous en avez manqué la parution initiale, dans un contexte discographique déjà bien fourni en références pour bon nombre des opus ici abordés, cet avantageux coffret, flanqué d’une optimale valorisation éditoriale, mérite la faveur d’une acquisition groupée.

Christophe Steyne

Son : 9 – Livret : 9,5 – Répertoire : 9-10 – Interprétation : 9,5

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