Bellini : I Puritani à Stuttgart

par

Vincenzo BELLINI (1801-1835) :  I Puritani. Roland BRACHT, Lord Galtiero Valton ; Adam PALKA, Sir Giorgio Valton ; Ana DURLOVSKI, Elvira ; Diana HALLER, Enrichetta di Francia ; Gezim MYSHKETA, Sir Ricardo Forth ; Heinz GÖHRING, Sir Bruno Robertson ; Staatsopernchor Staatsorchester Stuttgart, Manlio BENZI, dir ; Jossi WIELER et Sergio MORABITO, mise en scène. Filmé du 17 au 24 juillet 2018 au Staatsoper Stuttgart. 191’-NTSC 16.9-PCM stereo et DTS 5.0- 0- 2 DVD- Sous titres, italien, anglais, français, allemand, japonais, coréen- Naxos 2.110598-99

Dès le préambule orchestral, Elvira, déjà démente, erre sur scène. Elle croise sans la voir une reine majestueuse vêtue de blanc dont la tête est promise à la hache du bourreau et qui caresse et étreint de grands portraits royaux à la Van Dyck.

La mise en scène de Jossi Wieler et Sergio Morabito met ainsi en présence deux destins qui vont se percuter et se mêler. Elvira ne prêtera pas impunément son voile nuptial à la condamnée royale : elle va divaguer et régresser jusqu’à se cacher dans une maison de poupée. Cette vision souligne, à juste titre, la parenté du personnage de Bellini avec ces jeunes victimes sacrifiées qui vont de Lucia di Lamermoor à Rachel (1835) ou Gilda (1851). A l’opposé, de manière tout aussi judicieuse, la rigueur des costumes, des postures, des visages puritains reflètent la raideur morale prêtée aux partisans de Cromwell comme celle qui va resurgir en France sous la Monarchie de Juillet. Sur le plateau, la violence morale comme celle des armes est exacerbée par des éclairages sombres. Quant aux jeux de scène (quasi viol, TOC divers et variés), ils relèvent d’une esthétique plus germanique que belcantiste. Cette profusion d’idées appelle naturellement un dispositif scénique compliqué faisant intervenir marionnettes ainsi que divers accessoires à portée symbolique. Le passage de la scène au DVD s’avère plutôt réussi à l’exception de gros plans où perruques et laideur de certains accessoires sont cruellement surexposées. L’ensemble bénéficie d’une distribution solide. Le contraste entre une voix de basse dense, puissante, bien projetée, aux colorations variées et une apparence juvénile, donne au rôle de l’oncle Giorgio (Adam Palka) une envergure inattendue et très intéressante. Acteur impérieux autant que fin musicien (superbe « Cinta de fiori » au II !), il remporte un triomphe mérité aux saluts. L’extraordinaire tessiture d’Ana Durlovski, charnue et cuivrée mais capable de suraigus percutants, convient au parti-pris de la mise en scène. Toutefois cette Elvira, desservie par ses costumes, s’éloigne de la poésie virginale et lunaire voulue par Bellini. Roland Bracht est un père distant tandis que Gezim Myshketa (Ricardo), puissant et monolithique, incarne un prétendant éconduit ultra violent. Ce qui nous vaut un « Suoni la tromba » de la fin de l’Acte II des plus spectaculaires. Le ténor René Barbera (Arturo) parvient à imposer un beau chant élégiaque en dépit d’un accoutrement peu flatteur et d’un jeu statique. La prestance de Diana Haller et son large mezzo font de la reine Enrichetta une figure plus marquante qu’habituellement. Heinz Göhrig (Bruno) et les Chœurs de Stuttgart jouent aussi bien qu’ils chantent. La direction de Manlio Benzi s’accorde au parti de la mise en scène.

Mais ce climat asilaire est-il vraiment propice à l’épanouissement du charme bellinien ?

Bénédicte Palaux Simonnet

 

 

 

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