Benjamin Bernheim : auto-portrait d’un ténor en plein vol

par

Benjamin BERNHEIM, ténor. Airs de MASSENET, DONIZETTI, GOUNOD, VERDI, TCHAIKOVSKY, VERDI, GODARD, BERLIOZ, PUCCINI. PKF PRAGUE PHILHARMONIA, Emmanuel VILLAUME, dir.2019-63’17-livret et textes en anglais, allemand, français – chanté en langue originale français, italien, russe - D.G. 4836078

Acclamé depuis plus de dix ans sur les scènes de Zurich, Berlin, Londres, Salzburg, Milan ou Paris dans un répertoire allant de Mozart à Verdi et Dalbavie, le ténor Benjamin Bernheim, âgé seulement de 35 ans, pose avec cet enregistrement un jalon qui constitue plus qu’une promesse, une confirmation.

Soucieux d’une diction si parfaite qu’on l’oublie, mordant les syllabes à pleines dents, le chanteur s’appuie sur une émission franche et souple ; son timbre sonne légèrement cuivré, plus claironnant au disque que sur scène où on a pu l’entendre, il y a peu, en Chevalier Des Grieux. Sa maîtrise du phrasé met en valeur un art du dosage de couleurs et de nuances tout à fait remarquable au service de la caractérisation dramatique et stylistique. Qu’il s’agisse de Massenet, Tchaïkovski, Donizetti, Verdi ou Puccini sans oublier le rare et vibrant Tout est fini pour moi sur terre du « Dante » de Benjamin Godard, chaque situation est abordée avec autant d’engagement que de diversité. Dans le sillage des ténors français conduits par Georges Thill, il suit de près l’exemple de Roberto Alagna, maître d’un répertoire français qu’il a su éclairer de sa fougue latine, tout en affirmant sa singularité. Ampleur de la tessiture, homogénéité et puissance sont au rendez-vous : Benjamin Bernheim nourrit un chant généreux jusqu’à de vaillants aigus qu’il sait alléger sans toutefois que le passage en voix de tête apparaisse de manière aussi nette au disque que sur scène.

Il sait surtout imposer une esthétique très personnelle : ainsi de « Manon » de Massenet où Instant charmant le révèle orfèvre dans un paysage sonore épuré. La texture vigoureuse et pleine de la voix peut même verser dans une certaine froideur sous le coup d’une pression très forte (l’air véhément Tombe degli avi miei de « Lucia di Lamermoor ») ou d’une tessiture tendue. Mais, en même temps, cette ténacité insuffle dans l’écriture de Berlioz Nature immense,… (« La Damnation de Faust ») une fièvre infernale et splendide. Le lyrisme puccinien Che gelida manina (« La Bohème ») lui permet de libérer des affects très contrastés, une force et une mélancolie qui sont peut-être sa signature la plus intime (que l’on retrouve dans son incarnation russe de Lensky Kuda, kuda..). Et c’est très judicieusement qu’il a choisi Puccini pour conclure son récital et pour lequel on avouera une préférence toute personnelle.

L’orchestre PKF-Prague Philharmonia sous la baguette d’Emmanuel Villaume instaure le climat dramatique inhérent aux différents airs présentés avec clarté et efficacité sans trop s’attarder, (voire pas du tout) sur les arrière-plans poétiques, l’ambiguïté ou le clair-obscur de certaines partitions, celles de Massenet ou Gounod notamment.

Côté son, la restitution assez crue s’avère peu propice aux demi-teintes. Le livret hâtif nous apprend peu de l’artiste et des compositeurs. Reste l’essentiel : l’auto-portrait d’un ténor de grande envergure dont on attend avec impatience de découvrir de nouvelles facettes.

Son : 9 - Livret : 6 - Répertoire : 9 – Interprétation :  10

Bénédicte Palaux Simonnet

 

 

 

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