Chostakovitch par Muti 

par

Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n°13 “Babi Yar”. Alexey Tikhomirov, baryton-basse, Hommes du Chicago Symphony Orchestra Chorus, Chicago Symphony Orchestra, Riccardo Muti. 2018. Livret en anglais, allemand et français. texte chanté en russe, traduction en anglais. 68’00’’. CSOR 901 19 01. 

De prime abord, le nom de Chostakovitch ne s’associe pas avec celui de Riccardo Muti. Le chef italien avait certes gravé une démonstrative Symphonie n°5 lors de son mandat à Philadelphie (Warner), mais cet album se perdait dans l’immense discographie. Pourtant, les historiens émérites de l’interprétation des oeuvres de Chostakovitch se remémorent que Muti donna, en 1970, la première en Europe occidentale de cette Symphonie n°13. Le maestro milanais était au pupitre de l’Orchestre et des Choeurs de la RAI de Rome avec Ruggero Raimondi en baryton solo (il en existe même une bande pirate un temps éditée sous le manteau par des labels peu scrupuleux). Comme souvent à l’époque, le texte était traduit en italien. Muti envoya une cassette de cette interprétation au compositeur qui en fut fort ému. 50 ans plus tard, Muti est cette fois au pupitre de son Orchestre de Chicago pour livrer une interprétation aussi personnelle que convaincante. 

Muti prend son temps : sa direction est retenue et cette lecture est près de 10 minutes plus longue que les interprétations habituelles. Il en résulte une narration plus dramatiquement tendue et noire dans ses effets. Muti garde cette optique tout au long de la partition qui se retrouve parcourue par une logique qui ne cherche pas trop à en différencier les mouvements, sans doute une vision de chef lyrique embrassant cette oeuvre si forte dans une logique narrative qui sert son propos. 

L’Orchestre de Chicago est magistral par sa précision et sa puissance dans les dynamiques, scandant la dramaturgie sur un mode tétanisant. Mention spéciale au choeur d’hommes issus du Choeur Symphonique, qui montre encore une fois le niveau stratosphérique des formations chorales aux Etats-Unis. Cette interprétation ne serait pas une telle réussite sans la prestation du baryton russe Alexey Tikhomirov, voix ample et corsée. 

Cette oeuvre est rarement enregistrée en dehors des intégrales, même si actuellement des chefs d’orchestre comme Yannick Nézet-Seguin ou Kent Nagano la programment régulièrement. Du côté discographique, si l’on met de côté les gravures de Kirill Kondrashin, Guennadi Rojdestvenski ou Bernard Haitink, on peinera à trouver meilleure lecture contemporaine. 

Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10  

Pierre-Jean Tribot

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