Gregory Rose dirige ses propres compositions

par

Gregory Rose (1948) : Birthday Ode for Aaron Copland ; Red Planet ; Concerto pour violon et orchestre ; Suite pour cordes ; Sept Danses tirées de « Danse macabre ». Peter Sheppard Skaerved, violon ; Royal Ballet Sinfonia, direction Gregory Rose. 2020. Livret en anglais. 62.00. Toccata TOCC 0558.

Le catalogue du label londonien Toccata est spécialisé dans des partitions peu fréquentées ou nouvelles. Les premières discographiques y sont légion ; c’est encore le cas pour cinq œuvres de Gregory Rose, qui dirige lui-même quelques-unes de ses créations récentes. Ce n’est pas la première fois que Toccata s’intéresse à ce compositeur anglais ; on peut trouver aussi des compositions chorales et des arrangements, ainsi que sa Danse macabre pour chœurs et orchestre de chambre, dont des extraits orchestraux sont repris sur le présent CD. Toccata a aussi rappelé aux mélomanes le souvenir de son père, l’organiste et compositeur Bernard Rose (1916-1996), en gravant un disque de musique pour chœur et orgue, dirigée par le flls avec une phalange estonienne. 

La notice de ce CD Toccata est rédigée par Gregory Rose lui-même. Il y rappelle que son enfance s’est déroulée à Bampton, dans la région des collines de Costwood, dans le sud-ouest de l’Angleterre, l’Oxfordshire. C’est là qu’une partie des épisodes de la célèbre série télévisée Downton Abbey a été filmée. Rose a étudié la musique très jeune sous la férule de son père, a appris le violon et le piano et a été choriste à la Cathédrale de Salisbury. Il a poursuivi dans un collège d’Oxford, et parfait ses études musicales avec deux élèves de Schoenberg : Hans Jelinek à l’Académie de Musique de Vienne et Egon Wellesz à l’Université d’Oxford, à la fin des années 1960. Il a commencé à composer dès ses dix ans : des pièces chorales, puis de la musique instrumentale, avant de se consacrer à l’orchestre. Il a complété le concerto inachevé de Johann Nepomuk Hummel, paru sous le label Naxos. Attiré par la direction, il s’est retrouvé à la tête de maints ensembles dans des pages romantiques ou contemporaines. Il a travaillé avec Harrison Birtwistle, John Cage, Steve Reich ou Karlheinz Stockhausen dont il a dirigé Stimmung dans le cadre des Proms. Il a enregistré des disques de Janacek, Siegel ou Stockhausen pour plusieurs firmes (Chandos, Dacapo, Hypérion, Wergo…)

Le programme illustre la création de Gregory Rose des dix dernières années. Il s’ouvre cependant sur une courte composition de 1990, Birthday Ode for Aaron Copland, une pièce du type fanfare qui fut jouée au Queen Elizabeth Hall de Londres le 14 novembre, au cours d’un concert d’œuvres du compositeur américain, à l’occasion de ses 90 ans ; Copland décéda le 2 décembre suivant. Comme le précise justement la notice, les autres partitions que l’on découvre ici montrent l’influence de Strawinsky à travers des mélodies angulaires, des harmonies fragiles, des gestes hiératiques et des penchants pour la danse. Celle-ci se manifeste dans sept extraits de Danse macabre, une œuvre composée en 2011 suite à la découverte d’une toile du peintre Bernt Notke qui date de la fin du XVe siècle. Rose en tira une partition pour solistes, chœur et orchestre qui utilise des textes allemands médiévaux. Ces courtes pages montrent quelques visages de la Mort, tour à tour sarcastiques, rythmés ou lancinants, au cours desquels on entend des tambours, des blocs de bois et même une cornemuse en arrière-fond. Red Planet, écrite en 2014 et révisée en 2019, est inspirée par les images de la planète Mars diffusées par un vaisseau spatial américain : cinq aspects géographiques identifiés sont mis en valeur dans une atmosphère tour à tour mystérieuse, fluctuante, confidentielle ou stridente, avec apport du piano et de percussions insistantes.

Deux partitions de 2017 complètent le CD. La Suite pour cordes est une commande qui a été créée en Ardèche lors d’un festival ; en cinq mouvements, elle se veut avant tout mélodique et dépouillée, laissant le violoncelle et l’alto se répondre souvent. Quant au Concerto pour violon et orchestre, il se bâtit peu à peu en une dizaine d’épisodes qualifiés par le compositeur de « fragile », « agité » ou encore « pensif ». Dédié à l’épouse du compositeur, il a été créé à Londres à l’occasion des 70 ans de ce dernier. Ce dialogue austère d’un peu moins de vingt minutes entre le soliste et l’orchestre contient des passages au cours desquels des groupes d’instruments, en trio ou en quatuor, répondent au violon, le cor entamant même un échange en solo avec ce dernier dans un épisode méditatif. Les contrastes sont marqués avec retenue, et ce n’est que dans le final que Gregory Rose laisse son imagination se libérer dans une coda qu’il qualifie lui-même de « triomphalement fleurie ». C’est le créateur de l’œuvre, le violoniste anglais Peter Sheppard Skaerved, qui est le soliste de cet enregistrement effectué, comme le reste du CD, en novembre 2019 dans un studio londonien. Né en 1966, Skaerved s’est surtout spécialisé dans le répertoire de notre temps ; près de 400 œuvres ont été composées à son intention. Parmi elles, on trouve les noms de Michael Finnissey, Hans Werner Henze, Jörg Widmann, Edward Cowie ou Rosalind Page. Dans cette partition de Rose où l’influence strawinskienne est manifeste, Skaerved se révèle le complice idéal du compositeur qui dirige le Royal Ballet Sinfonia. Les partitions ici réunies étant le témoignage d’un compositeur sur sa propre production, nous ne lui accorderons qu’une note globale, en soulignant que la prise de son est équilibrée et qu’il s’agit de premières mondiales au disque.

Note globale : 8

Jean Lacroix

 

    

 

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.