Daniil Trifonov et Gautier Capuçon ouvrent les Flagey Piano Days en beauté

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Foule des grands jours au Studio 4 du légendaire paquebot de la place Flagey pour l’ouverture de l’édition 2024 de cet événement annuel où l’instrument-roi est mis à l’honneur durant 5 jours, la présente édition faisant la part belle à Anna Vinnitskaya qui s’y produira à trois reprises.

Il peut paraître curieux d’entamer un festival placé sous le signe du piano sous toutes ses déclinaisons par un récital de musique de chambre, mais toutes les occasions sont bonnes pour entendre des musiciens de la trempe de Gautier Capuçon et de Daniil Trifonov, qui plus est dans un superbe répertoire de musique pour violoncelle de la première moitié du XXe siècle.

Par son côté imprévisible et ses humeurs sans cesse changeantes, la Sonate de Debussy est de ces musiques qui ne peuvent simplement se contenter d’une interprétation virtuose mais exigent au violoncelle comme au piano des interprètes prêts à creuser cette fantasque partition. Si le violoncelle souverain comme le geste tour à tour large et subtil de Gautier Capuçon n’ont aucune peine à conquérir, le travail tout en sobriété et en finesse du pianiste russe est admirable, le pianiste pesant chaque trait, chaque accord à la perfection. 

Après le mystère debussyste, place à la trop rare Sonate en do majeur, Op. 119 (1949) de Prokofiev. Magnifiquement écrite pour les deux instruments, elle reçoit une interprétation de premier ordre. L’Andante grave introductif est d’abord sombre et austère avant de passer à la manière claire et diatonique si souvent rencontrée dans les compositions de Prokofiev à cette époque de sa vie. On appréciera le mélange d’ironie tempérée et de lyrisme (et parfois même d’humour pince-sans-rire) qu’on trouve dans cette belle oeuvre, où les deux musiciens se montrent sous leur meilleur jour. Capuçon sait être tour à tour tendre et mordant, alors que Trifonov sert la partie pianistique sans jamais en faire trop.

En entendant la Sonate pour violoncelle et piano en sol mineur, 0p. 19 (1901) de Rachmaninov, oeuvre qui a vraiment tout pour plaire à commencer par un lyrisme omniprésent et chaleureux, on se demande vraiment pourquoi cette belle composition est si rarement à l’affiche de nos concerts. Rachmaninov veille ici à bien définir d’un bout à l’autre les rôles des deux instruments : au violoncelle, les généreuses mélodies et les belles envolées lyriques parfaitement rendues par un Capuçon particulièrement convaincant et qui n’en fait jamais trop ; au piano, le contrepoint filigrané dans une partie exigeante qui trouve dans Trifonov un interprète qui évite toute lourdeur. 

Chaleureusement applaudis, les musiciens offrirent deux magnifiques bis. D’abord, une superbe Vocalise de Rachmaninov véritablement chantée par Gautier Capuçon suivie d’une inattendue transcription pour violoncelle et piano de la Danse des Chevaliers tirée de Roméo et Juliette de Prokofiev où il firent preuve d’une ébouriffante virtuosité.

Bruxelles, Flagey, le 7 février 2024.

Crédits photographiques : DR

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