Errances japonaises pour un Parsifal juvénile à Strasbourg

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Pour cette nouvelle production de Parsifal, le « Festival scénique sacré en trois actes » de Richard Wagner, l’Opéra du Rhin a fait appel à Amon Miyamoto, le metteur en scène japonais qui avait emporté un beau succès à Strasbourg avec sa mise en scène du Pavillon d’Or de Toshiro Mayuzumi. Mais évoquer le monde du Graal et analyser une œuvre aussi complexe que Parsifal est bien différent. Amon Miyamoto semble n’avoir voulu rien négliger mais, malheureusement, le spectacle est surchargé d’idées et d’intentions où l’on se perd. L’opéra s’ouvre sur une pantomime avec un Parsifal enfant et une femme nue devant son miroir pour ensuite nous transporter dans un musée mobile, le « Museum of Mankind » qui servira de cadre au reste du spectacle. Il est chargé de toiles représentant des moments de la vie du Christ et d’autres illustrant l’évolution de l’Homme. Le jeune Parsifal s’y promène, une femme (sa mère ?) le cherche ; les Chevaliers du Graal (des soldats blessés portant des uniformes de différentes époques et armées) s’y réunissent ; Klingsor campe le chef cruel de la sécurité du musée ; l’enfant Parsifal accompagne l’adulte et est mortellement blessé par la lance sacrée de Klingsor ; après son baptême, Kundry se transforme en ange. Ce sont quelques unes des idées qu’Amon Miyamoto a tissées dans sa mise en scène, dans les décors tournants de Boris Kudlicka, les lumières Felice Ross et vidéo signée Bartek Macias. Les costumes de Kaspar Glarner mélangent styles et époques et Gurnemanz et les écuyers du Graal semblent tout droit venus d’Oberammergau !

Heureusement le chef Marko Letonja, à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg et des Chœurs de l’Opéra sont beaucoup plus convaincants. Ensemble, ils créent l’atmosphère requise pour ce « Bühnenweihfestspiel », contrastant monologues et scènes plus animées. L’orchestre déploie tous ses moyens dans une lecture vivante, pleine de couleurs et les chœurs s’engagent avec ferveur, réclamant l’office ou admirant le Graal. Le ténor flamand Thomas Blondelle débutait dans le rôle-titre et présente un Parsifal absolument crédible, juvénile et plein de bravoure dans le premier acte (ce qui n’est pas souvent le cas !). Puis il y a sa métamorphose après le baiser de Kundry et son sens de la responsabilité au troisième. Projetant le texte avec une grande clarté, il confère à son chant relief et belles couleur. Ces qualités marquent aussi la performance de la basse croate Ante Jerkunica, hôte régulier de nos scènes belges, qui investit Gurnemanz d’autorité et de noblesse. La Kundry de Christiane Stotijn est moins convaincante scéniquement, manque de force dramatique et peine vocalement. En Amfortas, Markus Marquardt offre davantage de voix que d’émotion. Bravo à Simon Bailey pour son Klingsor hautain, démoniaque et prédateur qui bénéficie d’une remarquable projection de la voix et du texte. Titurel bénéficie de la présence et de la voix caverneuse de Konstantin Gorny. Les Chevaliers, les Ecuyers du Graal et les Filles Fleur sont bien défendus et s’intégrent naturellement à l’ensemble.

Un spectacle à retenir surtout pour l’engagement musical et la découverte du jeune et crédible Parsifal de Thomas Blondelle à la voix saine et expressive.

Erna Metdepenninghen 

Strasbourg, Opéra National du Rhin, le 4 Février 2020 

Crédits photographiques :  Klara Beck

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