Festival Piano au Musée Würth avec Maki Okada et Tedi Papavrami

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Construit autour du piano mais ouvert à toutes ses formes et possibilités, la quatrième édition du festival Piano au Musée Würth (du 15 au 24 novembre 2019) a proposé une belle sélection d'artistes, tous réunis sous la thématique de l'humour dans la musique. C'est ainsi que Maki Okada et Tedi Papavrami ont proposé un récital autour de Beethoven, Poulenc, Debussy, Prokofiev et Sarasate. Pardon, vous avez dit l'humour ? Le répertoire, filtré par ce prisme, n'a pourtant pas été abordé d'une manière anecdotique.

Les deux artistes ont très bien repéré le caractère souvent satirique de la Sonate pour violon et piano de Poulenc et de la Sonate n°2 de Prokofiev. Le concert a donc tout naturellement gravité autour de ces deux œuvres majeures, souvent au détriment des autres, prises au piège par leur émotion débordante. Le premier mouvement de la Sonate n°8 en sol majeur op. 30 n°3 de Beethoven a donc été submergée par l'anticipation de l'énergie de Poulenc, d'où le manque de précision dans le contrôle de l'archet. Maki Okada, très solide, a bien résisté à cette tentation de se précipiter dans le vide, faisant d'elle une partenaire idéale pour le violoniste très enflammé. Leur équipe était brillante dans le finale Allegro vivace dont les nombreux retours thématiques ont été particulièrement piquants, saillants et même humoristiques. La Sonate de Poulenc, une œuvre parfaite pour Tedi Papavrami, n'a jamais relâché l'attention des auditeurs. Si le thème principal (sur la corde de sol) du premier mouvement Allegro con fuoco était un peu métallique dans le son, l'intensité du début a rarement donné lieu à un relâchement. La frénésie de cette sonate, appelée « le monstre » par Poulenc au moment de son écriture en 1942, a laissé place à Minstrels de Debussy, transcris pour violon et piano par le compositeur lui-même (originalement le dernier prélude pour piano du Premier livre). La pièce a rendu justice à ce duo possédant la sensibilité naturelle et le côté charmeur afin de traduire les indications de Debussy pour l'interprétation de cette pièce : nerveux et avec humour.


Maki Okada et Tedi Papavrami ont été particulièrement à l'aise avec la Sonate n°2 de Prokofiev. Le vibrato assez nerveux du violoniste, la présence impeccable de la pianiste et la dualité des sentiments, variant entre le romantisme et son côté grinçant, se sont retrouvés dans cet opus parfait pour le duo. Le choix de terminer le concert par la Fantaisie sur des thèmes de Carmen de Sarasate a été frustrant. Bien évidemment, le violon y brille sous des rayons de virtuosité. Même si le rôle d'accompagnement « obligé » n'est jamais réductible, le choix de cette pièce dans un festival dédié au piano n'était justifié que par son côté anecdotique et drôlement (ou humoristiquement) virtuose. Le charmant Rêve d'enfant d'Ysaÿe a donc été nécessaire pour calmer les esprits.

Piano au Musée Würth, mené par Marie-France Bertrand (directrice du Musée Würth) et Olivier Erouart (directeur artistique du festival), continue d'explorer de nombreuses formules qui ne mettent pas uniquement en valeur le magnifique Steinway, mais propose chaque année des rencontres inoubliables entre les artistes et les élèves de l'École de Musique d'Ernstein. Le festival qui a repéré le pianiste Alexandre Kantorow avant qu'il ne remporte le concours Tchaïkovski, continue de proposer des événements de qualité dans le cadre chaleureux et accueillant du Musée Würth qui devient de plus en plus une « place to be », pouvant apporter une touche nouvelle et culturelle dans la région d'Alsace.

Erstein (Alsace), Auditorium du Musée Würth, le 23 novembre 2019

Crédits photographiques : Benjamin de Diesbach

Gabriele Slizyte

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