Franz Schreker : le grand retour du dégénéré

Franz SCHREKER  (1878-1934) : On Eternal Life–Fantastic Ouverture–Ekkerhard–Prelude to a Grand Opera–Four Little Pieces for Large Orchestra. Valda WILSON (soprano), Deutsche Staatsphilharmonie Rehindland-Pfalz, dir. : Christopher WARD. DDD–2018–68’ 44’’–Textes de présentation en allemand et anglais–Capriccio C5348

C’est grâce à son opéra Le Son lointain (Der Ferne Klang) créé en 1912 à Francfort, que le compositeur autrichien Franz Schreker s’est fait connaître dans le monde musical, l’œuvre rompant avec le post-wagnérisme et frappant les mélomanes par son orchestration assez hardie et presque debussyste. D’ailleurs, Arnold Schoenberg en a cité des passages dans son Cours d’harmonie (1922) et Alban Berg, lui, en a tiré une réduction pour piano et s’en est manifestement souvenu en écrivant Wozzeck (1925). Avec ses opéras suivants, en particulier Les Maudits (1918) et Le Chercheur de trésors (1920), Franz Schreker s’est montré un orchestrateur tout aussi brillant et a régulièrement été acclamé en Allemagne et en Autriche, avant d’être considéré à la fin des années 1920, en pleine terrible République de Weimar, comme un musicien dégénéré et, bientôt, de ne plus être joué du tout (les Nazis ont empêché la création de ses deux derniers opéras, Christophorus et Le Forgeron de Gand).

On n’a redécouvert Franz Schreker que ces dernières décennies et on s’est alors aperçu, grâce à une discographie devenue aujourd’hui abondante, qu’il avait aussi composé de remarquables œuvres orchestrales, à l’instar des cinq qui figurent sur ce CD. Deux simples mots les caractérisent : puissance et raffinement. Ou plutôt : symbiose parfaite entre symbiose et raffinement, très sensible dans Prelude to a Grand Opera, écrit en 1933, apothéose finale d’un parcours musical exemplaire, aux frontières -toujours incertaines- de la tonalité expressionniste et du dodécaphonisme. Un fort beau disque.

Jean-Baptiste Baronian

Son  9 – Livret  6 – Répertoire 10  – Interprétation 9