John Barbirolli dans sa prime jeunesse

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LES ENREGISTREMENTS EDISON BELL - 1927. Richard Wagner (1813-1883) : Der Fliegende Holländer, Ouverture ; Die Meistersinger von Nürnberg, Prélude à l’Acte III. Engelbert Humperdinck (1854-1921) : Hänsel und Gretel, Ouverture. Giacomo Puccini (1858-1924) : Madama Butterfly, Duo d’amour (finale). Pietro Mascagni (1863-1945) : Cavalleria Rusticana, Air de Santuzza. LES ENREGISTREMENTS HMV ESPAGNOLS - 1928. Pablo Casals (1876-1973) : Sardana. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Die Zauberflöte, Possenti numi (arr. : Barbirolli). LES ENREGISTREMENTS NGS - 1927. Edward Elgar (1857-1934) : Introduction and Allegro pour cordes. Peter Warlock (1894-1930) : Sérénade pour cordes, pour le 60e anniversaire de Delius. Frederick Delius (1862-1934) : Summer Night on the River. Claude Debussy (1862-1918) : Danse Sacrée et Danse Profane. Benedetto Marcello (1686-1739) : Final Allegretto de la Sonate en ut majeur, op. 2 n° 5 (arr. : Barbirolli). Lilian Stiles-Allen, soprano ; Dan Jones, ténor. André Mangeot, Boris Pecker, violon ; Frank Howard, alto ; Herbert Withers, violoncelle. Ethel Bartlett, piano, Orchestre Symphonique, École de Violoncelles de Londres, Orchestre de chambre de la NGS (National Gramophonic Society), direction : John Barbirolli. Enregistré entre janvier 1927 et mars 1928 aux Edison Bell Studios, Kingsway Hall, Vocalion Studios, Londres. Livret en anglais. 78’57’’. 1 CD-R Barbirolli Society SJB1096.

Fondée en 1972, la Barbirolli Society se consacre à la diffusion continue des enregistrements de toute provenance du grand chef d’orchestre et violoncelliste anglais Sir John Barbirolli (1899-1970), issu d’une famille d’origine franco-italienne. La Société est active dans la recherche et la localisation d’enregistrements par Sir John Barbirolli, qu’ils soient à partir de sources privées, ou d’émissions radiophoniques ; elle s’est jointe à certains labels pour la production de CDs, notamment Dutton, Guild Historical et Testament, toutefois la Barbirolli Edition est maintenant disponible sur le propre label de la Société sous forme de CD-R, ce qui est d’ailleurs le cas de la production sous rubrique.

Lorsqu’en janvier 1927 John Barbirolli entre dans les Studios Vocalion de Londres pour ses premières gravures électriques chez la National Gramophonic Society de Compton Mackenzie (1883-1972, créateur en avril 1923 de la vénérable revue musicale anglaise The Gramophone), il est loin d’être un novice de l’enregistrement, puisque dès ses 11 ans, accompagné au piano par sa sœur aînée aussi douée que lui, il emmène son violoncelle dans un studio londonien pour graver ses premiers enregistrements acoustiques en octobre 1911. De 1912 à 1917, il continue ses études musicales à la Royal Academy of Music de Londres et, à 16 ans, il est le plus jeune musicien du Queen’s Hall Orchestra de Henry Wood, puis à 18 ans, il fait partie de la section violoncelle du London Symphony Orchestra lorsqu’Elgar dirige la création de son Concerto pour violoncelle le 27 octobre 1919.

C’est probablement à cette époque qu’il décide d’être l’apôtre de la musique anglaise de son temps en devenant chef d’orchestre : après son service militaire, Barbirolli forme son propre orchestre à cordes fin 1924. Lorsque les concerts de la Chenil Gallery ont été inaugurés à Chelsea en 1925, l’orchestre alors élargi de Barbirolli est choisi pour devenir le Chenil Chamber Orchestra. L’orchestre sera engagé ensuite par la National Gramophonic Society sous le nom de NGS Chamber Orchestra, et il est révélateur que Barbirolli confie alors en premières au disque trois œuvres de compositeurs anglais toujours vivants : Frederick Delius (1862-1934), Edward Elgar (1857-1934) et Peter Warlock (1894-1930). Résultat, les éloges ne se sont pas fait attendre ! Delius : Vos tempi étaient parfaits, comme je les veux, et j’ai senti que vous étiez en entière sympathie avec la musique, ce dont je vous remercie très chaleureusement. Elgar : Le disque est excellent à tous points de vue. Je sais que M. Barbirolli est un jeune homme extrêmement capable et, à juste titre, a des idées qui lui sont propres, auxquelles s’ajoute qu’il est un chef d’orchestre remarquablement compétent. Il est à noter que la seule partition orchestrale importante qu’Elgar n’enregistrera jamais lui-même fut l’Introduction et Allegro, probablement en raison de sa satisfaction de la gravure de Barbirolli, pleine d’élan, de poésie et de profondeur.

Deux mois après l’enregistrement de l’œuvre d’Elgar, Barbirolli dirige le London Symphony Orchestra au Queen’s Hall dans un concert comprenant notamment le Concerto pour violoncelle en ré majeur de Haydn avec en soliste Pablo Casals, et la Symphonie n° 2 d’Elgar. Une fois de plus, ce dernier ne tarit pas d’éloges : J’entends de splendides commentaires de votre prestation de lundi dernier : pour l’attention que vous portez à mon œuvre, je vous adresse mes très sincères remerciements. Au concert se trouvait Fred Gaisberg qui, aussitôt le concert terminé, dit à Barbirolli : Ne signez aucun contrat de gramophone. Rendez-vous demain à 10 h : je suis Gaisberg, HMV. On sait l’admirable legs chez EMI-Warner qui en résultera.

L’une des toutes premières gravures de Barbirolli chez son nouveau label fut précisément une œuvre de Pablo Casals, Sardana pour ensemble de violoncelles, en remerciement de l’excellente collaboration au concert précité : l’admiration des deux musiciens était d’évidence réciproque. 

Avec les gravures Edison Bell Electron de 1927, le programme reste relativement plus traditionnel : les œuvres orchestrales de Wagner et Humperdinck sont jouées avec grandeur et noblesse, tandis que les extraits de deux des opéras les plus populaires du répertoire de la British National Opera Company rappellent qu’en 1926, John Barbirolli avait été nommé chef d’orchestre principal de la Company, dont les représentations étaient toujours données en anglais, et c’est le cas ici,  où le style des chanteurs peut sembler daté à certains. Ces extraits mettent surtout en évidence l’aptitude de Barbirolli à se fondre avec les solistes, ce qui sera confirmé plus tard lorsqu’il accompagnera très vite les solistes historiques les plus prestigieux du catalogue EMI : Mischa Elman, Jascha Heifetz, Fritz Kreisler, Yehudi Menuhin, Gregor Piatigorsky, Guilhermina Suggia, Wilhelm Backhaus, Alfred Cortot, Edwin Fischer, Artur Rubinstein, Artur Schnabel…

Ce disque généreux (79 min.) bien conçu et varié, aux reports excellents, est surtout important par sa première édition moderne en CD des gravures Barbirolli de la National Gramophonic Society, mais en partie seulement, car sont entre autres absents le Concerto grosso op. 6 n° 8 fait pour la Nuit de Noël de Corelli ; une Suite pour cordes de Purcell arrangée par Barbirolli et la Symphonie n° 104 en ré majeur Londres de Haydn.

Son : 8 (historique) - Livret : 10 - Répertoire : 9 - Interprétation : 10

Michel Tibbaut

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