La musique bien en cour à Bonn 

par

Edition Hofkapelle 2. Court Concert. Anton Reicha (1770-1836) : Grande ouverture en Ré majeur ; Andreas Romberg (1767-1821) : Concerto pour violon n°8 en mi bémol majeur ; Paul Wineberger (1758-1821) : Symphonie en ré majeur. Mikhail Ovrutsky, violon ; Beethoven Orchester Bonn, direction : Dirk Kaftan. 2021 et 2023. Livret en anglais, allemand et français. 68’15’’. MDG 938 2261-5.

Le label MDG, en collaboration avec l'orchestre Beethoven de Bonn, poursuit une collection nommée  Edition Hofkapelle dont nous avions commenté le premier volume. Ce nouvel enregistrement met cette fois à l’honneur l’orchestre en entier dans un hommage à la Churcöllnische Hofkapelle, lointaine prédécesseuse du Beethoven Orchester Bonn. 

Au crépuscule du Siècle des lumières et à l’aube du XIXe siècle, Bonn est une ville musicale qui impressionne les solistes de passage. Son orchestre fait des merveilles et l'Électeur de Habsbourg Maximilien François Xavier d'Autriche, qui fut archevêque électeur de Cologne de 1784 à 1801, est un fervent amateur de musique au point d’avoir en référencement dans sa bibliothèque près de 3500 partitions, soit plus que dans la bibliothèque de son frère l’Empereur d’Autriche en personne. Dès lors, cet album rend hommage à la fertilité artistique de cette époque bénie.  

Le programme débute avec la Grande ouverture en ré majeur d’Anton Reicha, manuscrit issu des collections de cette bibliothèque aristocratique. On découvre une partition étonnante par sa durée ( plus de 17 minutes) et sa modernité ! En effet, les tournures mélodiques et les harmonies sont très audacieuses et sonnent parfois comme un prototype de Berlioz ou comme des recherches radicales d’un jeune Wagner ! Cette partition composée à Bonn au début des années 1790 est une belle découverte par sa minéralité assez pure et abrasive. Elle casse aussi l'image d'un Reicha, valeureux mais besogneux dans la composition.  

Le bonheur se prolonge avec le Concerto pour violon n°VIII d’Andreas Romberg. Grand voyageur, ce musicien composa cette partition pour l’orchestre de Bonn. On admire une superbe écriture violonistique, aérée et chantante, qui s’additionne à un accompagnement orchestral élaboré et séduisant dans ses harmonies. Cette œuvre n’était sans doute pas facile pour des musiciens de cette époque et elle témoigne de la virtuosité de la phalange rhénane. 

Autre compositeur en escale à Bonn : Paul Wineberger. Ce musicien de passage était un grand admirateur de l'orchestre au point de composer pour lui une demi-douzaine de symphonies. Sa Symphonie en ré majeur propose plusieurs passages virtuoses solistes pour valoriser les instrumentistes à vent de la Hofkapelle. L'Orchestre Beethoven de Bonn la réinterprète ici pour la première fois depuis plus de 200 ans ! 

Tout au long de ce disque, le Beethoven Orchester Bonn est à son affaire sous la baguette experte de Dirk Kaftan, son directeur musical. On apprécie les belles couleurs des pupitres et la sonorité d’ensemble flatteuse. Le public belge se souvient du violoniste russe Mikhail Ovrutsky, finaliste de l’édition 2005 du Concours Reine Elisabeth. On est heureux de le retrouver ici, particulièrement inspiré dans le concerto de Romberg auquel il insuffle une poésie et une fantaisie remarquables. 

On râle souvent devant le manque d’originalité des programmes des disques. Dès lors, il faut saluer cette parution qui allie pertinence éditoriale, valorisation du patrimoine et haute compétence interprétative. La prise de son est, comme souvent avec MDG, magistrale. 

Son : 10 – Livret : 9 – Répertoire : 9 – Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

Chronique réalisée sur base de l'édition SACD

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.