Harmoniemusik à la Cour de Bonn à l’ère du jeune Beethoven
Edition Hofkapelle 1. Harmoniemusik. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Octuor pour vents en mi bémol majeur, Op. 103 ; Sextuor pour vents en mi bémol majeur, Op. 71 ; Rondino en mi bémol majeur, WoO 25. André-Ernest-Modeste Grétry (1741-1813) : Richard Cœur-de-Lion, Suite no 2 [arrgmt Franz Ehrenfried]. Joseph Reicha (1752-1795) : Sextuor pour vents en mi bémol majeur. Lorenzo Coppola, Bonner Hofkapelle (membres de l’Orchestre Beethoven de Bonn). Keita Yamamoto, Suzanne van Zoelen Lucker, hautbois. Hans-Joachim Mohrmann, Florian Gyssling, clarinette. Daniel Lohmüller, Rohan Richards, cor naturel. Yuto Suzuki, Henning Groscurth, basson. Frank Geuer, contrebasse. Livret en anglais, français, allemand. Janvier et mai 2021. TT 72’17. SACD MDG 938 2250-6
« La majorité de ces quelque 3400 manuscrits et imprimés -compositions de Haydn, Mozart, Pleyel, Salieri…- est un reflet de la musique qui aurait influencé le jeune instrumentiste et compositeur Beethoven, non seulement après son départ pour Vienne en 1792, mais déjà pendant son service comme musicien de cour à Bonn » résumait Juliane Riepe dans son article Eine neue Quelle zum Repertoire der Bonner Hofkapelle im späten 18. Jahrhundert (Archiv für Musikwissenschaft, 60. Jahrg., H. 2. (2003), pp. 97-114, Franz Steiner Verlag) au sujet des archives désormais détenues à Modène.
De ces années d’aguerrissement et de transition datent les opus 103 et 71 pour vents, rappelant que le Prince Électeur (1756-1801) avait en 1784 rassemblé un prestigieux ensemble d’harmonie (hautbois, clarinettes, bassons et cors), à une époque où la facture se modernisait, se perfectionnait, propice à la virtuosité et au fin mélange de timbres. Au sein de l’orchestre de la Churcöllnische Hofkapelle, le petit Ludwig tenait l’alto, non loin du violoncelle de Joseph Reicha qui venait d’achever une douzaine de Parthien, sorte de symphonies miniatures en quatre parties. Quelques années plus tard, Beethoven écrivit une série de variations pour piano sur l’air Une fièvre brûlante tiré de Richard Cœur-de-Lion de Grétry, attestant la popularité de cet opéra dont Franz Heinrich Ehrenfried (1747-1828) tira trois Suites -le programme de ce disque a retenu la seconde, incluant la mélodie que déclina le WoO 72.
La phalange rhénane ne tarda hélas pas à être dissoute, en 1794, laissant la ville sans orchestre symphonique pendant plus d’un siècle, avant la constitution du Städtisches Orchester Bonn en 1907. Les souffleurs de la Bonner Hokapelle que dirige ici Lorenzo Coppola émanent de cet orchestre qui a entrepris de se plonger dans l’étude du répertoire et du style de jeu de son illustre devancier. En émerge ce volume 1, capté dans l’emblématique Redoute de Bad Godesberg où Beethoven fit la rencontre de Joseph Haydn.
L’opus 103 s’est vu régulièrement abordé par la discographie, par exemple le savoureux témoignage du Bläserensemble de la Philharmonie de Vienne (Westminster) qui lui annexait le Sextuor opus 71. On se souvient aussi des émérites enregistrements par le Melos Ensemble de Londres avec Gervase de Peyer (Emi), le Netherlands Wind Ensemble (Philips), les Solistes de l’Orchestre de Chambre d’Europe (COE Records), le Mozzafiato autour de Charles Neidich (Sony), le Sabine Meyer Bläserensemble (Emi), l’Amphion Bläseroktett (Harmonia Mundi) ou plus récemment Il Gardellino (Passacaille). Lorenzo Coppola insuffle ici sa vitalité et son panache à des pages qui s’en trouvent ragaillardies, sous les soins d’une fine équipe qui chante dans son arbre généalogique. L’on apprécie le voisinage avec Reicha et l’arrangement de Grétry, offrant un légitime et vigoureux portrait de la musique d’agrément qui put réjouir l’auditoire de la Cour de Maximilian Franz.
Son : 9,5 – Livret : 9,5 – Répertoire : 8,5 – Interprétation : 9
Christophe Steyne