Le Festival de Menton en After 

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Pour la première fois, hors cadre du Festival de Menton en août, deux concerts "After" ont été programmés en septembre, afin de prolonger la vie musicale et l'ambiance du festival. Ces deux affiches proposent un récital et de la musique de chambre . 

David Fray est considéré comme un des plus brillants pianistes français de sa génération. Il présente un récital entièrement consacré à Schubert, qui est un des ses compositeurs favoris. Schubert écrit l'Allegretto en do mineur pour un ami quittant Vienne pour Venise. Ce cadeau en forme de feuillet d'album est un pur joyau de sensibilité. L'interprétation de Fray est délicate et raffinée, pleine d'émotions. Il enchaîne sans interruption avec les Quatre impromptus op.90. C'est une des œuvres les plus célèbres et les plus populaires de Schubert.

Le toucher de Fray est clair et fluide, il recrée le caractère de chaque impromptu, avec élégance et légèreté, avec passion et mélancolie pour le dernier.

Le Klavierstücke n°2 D946 a été été composé six mois avant la mort de Schubert. Fray exprime pleinement l'âme Schubertienne, avec ses visions fantasques, ses angoisses et son désespoir. La Wanderer Fantaisie a été composée à la demande d'un virtuose viennois.C'est la composition la plus exigeante sur le plan technique de Schubert. Au point que Schubert lui-même avait du mal à l'exécuter et aurait dit "C'est le diable qui devrait jouer cela". 

Fray a une maîtrise spectaculaire des contrastes émotionnels entre la grandeur et le dynamisme des sections virtuoses et l'exaltation des sections lyriques. Il joue la "Wanderer" avec un tempo effréné et entraîne le public dans un tourbillon phénoménal, une véritable ballade en fantaisie du randonneur. David Fray offre en bis au public enthousiaste, l'Allemande extraite de la Suite Française de Bach. 

Philippe Bianconi et le Trio Goldberg sont les têtes d’affiche du deuxième concert "After". Ils nous ont régalé avec un des plus beaux concerts de musique de chambre qu'on ait pu entendre au Festival de Menton. Le Trio Goldberg est composé de la violoniste Liza Kerob, l'altiste Federico Hood et le violoncelliste Thierry Amadi, issus des pupitres de l’Orchestre philharmonique de Monte Carlo. Ils sont arrivés en douze ans à un sommet de maturité remarquable. Leur sonorité est telle qu'on a l'impression d'avoir un seul instrument avec trois voix et trois archets. Le concert commence par le Trio en si bémol majeur D.581 de Schubert. C'est une partition pleine de sensibilité et d'élégance à la viennoise, dans la claire filiation de Mozart et de Haydn. Ils nous séduisent par un jeu délicieux et enivrant.

Le trio à cordes de Mieczyslaw Weinberg est une découverte.

Il a été composé en 1950, deux ans après que Weinberg, avec de nombreux autres compositeurs, aient été accusés par les autorités soviétiques d'avoir des tendances bourgeoises et formalistes. Il semble particulièrement audacieux que dans ce contexte, Weinberg se réfère à la tradition musicale juive évoquant dans son trio l'esprit de la musique de danse du shtetl.  Le dernier mouvement rappelle Chostakovitch, qui était un ami très proche de Weinberg. Le martèlement continu symbolisant à la fois le pouls de la vie et le destin inévitable. Les membres du Trio Goldberg sont habités par cette musique, et leur interprétation est très intense, poignante et palpitante. 

Le Trio Goldberg nous présente ensuite le Trio de Jean Cras. L'appétence du compositeur pour le grand large est admirablement restituée dès les premières mesures. Les musiciens nous font voyager vers de lointains horizons, en abordant des rivages inconnus. Leur sonorité teintée d'orientalisme est éblouissante.

Philippe Bianconi, bien connu du public azuréen, rejoint le Trio Goldberg pour nous donner une version mémorable du  Quatuor n°3 avec piano de Brahms. Cette œuvre révèle l'adoration du compositeur pour Clara Schumann. La partition requiert de ses interprètes un mélange de fougue et de pudeur. Ils ont une entente parfaite et une communauté de vision. Leur sincérité touche et captive. On passe de l'impétuosité et de l'ardeur à la sérénité, pour atteindre le sublime.

Le public est enthousiasmé et les musiciens nous offrent en bis le merveilleux mouvement lent du Quatuor avec piano  de Schumann également dédicacé à Clara sa jeune épouse.

Menton, Palais de l'Europe, 9 et 10 septembre

Carlo Schreiber

Crédit photographique : David Fray © Sacha Gusov – Virgin Classics

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