L’Oiseau bleu de Maeterlinck raconté, avec la musique de scène de Humperdinck

par

Engelbert Humperdinck (1854-1921) : Der Blaue Vogel, musique de scène d’après le conte de Maurice Maeterlinck, pour narrateur et orchestre ; Sept images symphoniques de ‘Der Blaue Vogel’. Juri Tetzlaff, narrateur ; Rundfunk Chor Berlin ; Rundfunk Sinfonieorchester Berlin, direction Steffen Tast. 2021. Notice en allemand et en anglais. Textes du conte en allemand avec traduction anglaise. 87.56. Un album de deux CD Capriccio C5506.

Présentateur d’émissions pour enfants et pour la jeunesse depuis 1994 à la télévision allemande, Juri Tetzlaff (°1972) s’est lancé depuis 2001 dans l’écriture et la narration de concerts classiques pour les familles. A son actif, des adaptations de Pierre et le loup de Prokofiev, du Carnaval des animaux de Saint-Saëns, d'Hansel et Gretel de Humperdinck ou de L’Oiseau de feu de Stravinsky qui ont été vues à Mannheim, Hambourg, Essen, Leipzig ou Berlin (avec la Philharmonie) et ont fait l’objet de publications sur disque. Cette fois, toujours à Berlin, mais avec l’Orchestre Symphonique de la Radio, Tetzlaff propose une adaptation de L’Oiseau bleu de Maeterlinck, dans une nouvelle version textuelle qu’il signe en partenariat avec le chef d’orchestre Steffen Tast, à partir du travail effectué par Max Reinhardt, en décembre 1912, pour le Deutsches Theater Berlin, sous la forme d’un conte de fées, avec la musique de scène de Engelbert Humperdinck. 

La première représentation de L’Oiseau bleu a lieu à Moscou en septembre 1908, dans une mise en scène de Constantin Stanislavski, avec un énorme succès qui durera. Paris accueille l’œuvre de Maurice Maeterlinck (1862-1949) en 1911. Très vite, des traductions de la pièce vont se multiplier et des adaptations cinématographiques vont voir le jour, dès 1911 en Russie, avant Hollywood en 1918 et 1940 (avec Shirley Temple), puis en 1987, une réalisation de George Cukor, avec Elizabeth Taylor dans le rôle de la fée. Cette version doit avoir interpellé les nouveaux adaptateurs de Maeterlinck et Reinhardt pour le présent enregistrement, puisqu’une photographie de ce film figure à la fin du texte de la notice. 

Un petit rappel de l’action initiale ? Tyltyl, un petit garçon, et sa sœur Mytyl sont les enfants de pauvres bûcherons. Ils ont pour voisins une grand-maman et sa petite-fille, malade depuis longtemps. Celle-ci pourrait guérir si elle entrait en possession d’un oiseau bleu porteur de bonheur. Tyltyl et Mytyl s’endorment, une fée leur apparaît en rêve et la recherche de l’Oiseau bleu commence. Avec une série de péripéties : un diamant magique aide à découvrir l’âme des objets et des animaux familiers, qu’il s’agisse du pain, de l’eau, de la lumière, du chat ou du chien. Tout va se métamorphoser pour les enfants qui vont découvrir le Pays du Souvenir et retrouver les membres de leur famille qui sont décédés, avant d’accéder au Palais de la Nuit, puis à la Grande Forêt, au Jardin des Bonheurs, et enfin au Royaume de l’Avenir. Ils croient avoir trouvé l’Oiseau bleu à plusieurs reprises. Mais tout cela est un songe. A leur réveil, ils constatent que leur père a rapporté un oiseau de la forêt. Ils imaginent que c’est l’Oiseau bleu, veulent l’offrir à la petite malade, mais l’oiseau s’échappe. La guérison aura quand même lieu, car « le bonheur est en nous », morale d’une histoire féerique, pleine de symboles et de poésie.

Lorsque Max Reinhardt (1873-1943) monte L’Oiseau bleu à Berlin en 1912, il fait tout naturellement appel à Engelbert Humperdinck (1854-1921) pour la musique de scène. Le compositeur est en effet l’auteur d’un opéra, Hansel et Gretel, créé à Weimar en 1893 par Richard Strauss, puis repris à Hambourg l’année suivante par Gustav Mahler. C’est une partition ensorcelante d’après un conte des frères Grimm, qui emmène aussi des enfants dans une série d’aventures, notamment en forêt, avec une conclusion heureuse. Le compositeur rhénan écrit, dans la même veine, une série de petites pages qui s’insèrent dans l’action et soulignent avec finesse, grâce, raffinement et sens du merveilleux, à travers une orchestration scintillante, les différents tableaux racontés par Juri Tetzlaff. Ce dernier possède un charisme évident, sa voix est nuancée à souhait et il égrène les divers épisodes de Der Blaue Vogel avec une chaleur communicative.

Réservée prioritairement à un public germanophone auquel elle s’adresse, cette adaptation se révèle un handicap pour des oreilles francophones, qui se consoleront peut-être en suivant la traduction anglaise insérée dans la notice. On peut aussi se laisser séduire par le climat féerique entretenu par le narrateur, Juri Tetzlaff, et par la qualité orchestrale des forces berlinoises, menées avec élégance par Steffen Tast qui dirige régulièrement depuis 2014 des concerts pour jeune public.

Le label Capriccio a eu la bonne idée de joindre à ce récit un CD bonus d’un peu plus de vingt-cinq minutes, qui consiste en sept extraits symphoniques tirés de la musique de scène de Humperdinck. Lorsque ce dernier disparut en 1921, sa partition n’était pas publiée. Il fallut attendre un accord entre les éditeurs de Maeterlinck et ceux du compositeur pour que ce soit le cas. La notice explique que Steffen Tast a eu la chance de retrouver le manuscrit autographe de la musique de scène de Humperdinck chez un libraire, ce qui lui a permis de mener à bien le présent projet. On peut toutefois regretter que cette même notice ne soit pas plus loquace quant à l’élaboration et à la mise en place de la production.

Son : 8,5  Notice : 5  Répertoire : 8  Interprétation : 9

Jean Lacroix

 

     



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