Malgorzata Wasiucionek et Sylwia Michalik : deux musiciennes de talent, un très beau duo

par

Georges Enesco (1881-1955) : Sonate pour  piano et violon N° 3 « dans le caractère populaire roumain », Op. 25 (1926) ; Serge Prokofiev (1891-1953) : Cinq mélodies pour violon et piano, Op. 35 bis (1925) ; Karol Szymanowski (1882-1937) : Mythes. Trois poèmes pour violon et piano, Op. 30 (1915). Malgorzata Wasiucionek  (violon), Sylwia Michalik (piano). 2020-DDD- 57’43-Textes de présentation en polonais et anglais-DUX 1629

On ne saluera jamais assez le travail fait par les éditeurs indépendants tels que le courageux label polonais Dux qui, plutôt que d’aller à la chasse à la star (ou prétendue telle) à laquelle s’adonnent certaines majors, s’efforcent de mettre en valeur des musicien(ne)s de qualité dont la renommée n’est pas toujours égale aux réelles qualités. 

C’est ainsi qu’il nous est donné de découvrir dans ce début discographique deux artistes de talent dans un programme d’oeuvres aussi belles que relativement rares au concert comme au disque.

Dans la Troisième sonate d’Enesco, oeuvre qui allie romantisme tardif et folklore imaginaire, le remarquable duo polonais frappe directement par sa liberté de ton, son aisance technique ainsi qu’une approche fluide et rhapsodique, totalement libérée de la barre de mesure. Le son charnu et la variété de couleurs de Malgorzata Wasiucionek impressionnent autant que le toucher clair et la parfaite articulation de Sylwia Michalik, dont le piano vif et imaginatif se transforme par moments en cymbalum. La liberté de ton des interprètes instaure une dimension de légende et un vrai sens du mystère dans le deuxième mouvement où le violon semble par moments improviser des mélodies nostalgiques qui procèdent d’un folklore transfiguré, tout comme la belle franchise et l’énergie du Finale.

Ecrites à l’origine pour soprano et piano en 1920 lors d’un séjour de Prokofiev en Californie, les Cinq mélodies sans paroles, Op. 35 furent adaptées par le compositeur cinq ans plus tard pour violon et piano avec la précieuse collaboration du violoniste polonais Paul Kochanski. Cette transcription met magnifiquement le violon en valeur et  permet d’apprécier Prokofiev dans sa plus belle veine lyrique. Wasiucionek fait preuve ici de chaleur et de charme, ainsi que d’une technique très sûre (beau vibrato, justesse et harmoniques impeccables). On notera aussi la délicatesse des interprètes dans la quatrième des pièces, Allegretto leggero e scherzando.

Kochanski n’en était pas à son coup d’essai, car -outre qu’il avait déjà aidé Prokofiev dans l’élaboration de son Premier concerto pour violon- il avait joué un rôle déterminant dans la mise au point de la partie de violon des Mythes de Szymanowski, certainement l’un des plus beaux exemples de duo violon-piano du 20ème siècle. 

Dans La Fontaine d’Aréthuse, l’écriture pianistique de Szymanowski -parfaitement servie par Michalik- renvoie dès l’introduction à ce piano « liquide », issu des Jeux d’eau de la Villa d’Este de Liszt et si bien repris à leur compte par le Ravel de Jeux d’eau ou le Debussy de Reflets dans l’eau. La violoniste surmonte avec grâce et sensibilité les innombrables difficultés techniques dont est parsemée la partition, même si l’on se prend à désirer par moments quelque chose d’encore plus éthéré et magique. La beauté prenante de Narcisse renvoie une fois encore à l’eau -cette fois calme- où se mire le demi-dieu. Les interprètes conduisent avec beaucoup de sûreté la pièce vers son sommet dramatique. Le dernier poème, Dryades et Pan, termine le cycle sur une note de sérénité retrouvée qui clôt une récital de très belle tenue.

Son 10 - Livret 9 - Répertoire 10 - Interprétation 9

Patrice Lieberman

 

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