Planètes en liesse

par

Antonio CALDARA (1670-1736)
« La Concordia de' pianeti »
Delphine GALOU Venere, Veronica CANGEMI Diana, Ruxandra DONOSE Giove, Franco FAGIOLI Apollo, Carlos MENA Marte, Daniel BEHLE Mercurio, Luca TITTOTO Saturno, LA CETRA BAROCKORCHESTER et VOCALENSEMBLE BASEL, dir. : Andrea MARCON
2014-2CD-CD1 58'14-CD2 49'53- présentation et livret en anglais, français, allemand-Textes en anglais, français, allemand, italien-chanté en italien- DG Archiv Production 479 3356

Parmi les très nombreuses cantates qu'écrivit Antonio Caldara (on a pu en recenser environ 90!), celle intitulée « La Concordia de'pianeti » (la concorde des planètes), occupe une place à part : c'est, en effet, à proprement parler une « Serenata » puisque donnée en plein air en novembre 1723, lorsque le couple impérial -Charles VI et l'Impératrice Elisabeth, appelée ici simplement Elisa- revenait de Prague où Karl venait de recevoir la couronne de Bohême. Dès lors la partition révèle des qualités, des éléments réservés à pareille circonstance : et d'abord la joie- ce qui se traduit par des rythmiques bien scandées, par des airs à vocalises qui tournoient lorsque les mots ne suffisent plus à l'éloquence. Ici, avec beaucoup d'élégance, Caldara compose une musique festive où la jubilation règne, où la terre entière célèbre par la voix des dieux (de Jupiter à Mercure et Apollon, de Vénus à Diane) la belle impératrice dont on loue la beauté, l'intelligence, la douceur et la vertu d'humanisme ; plus encore dont on sait que son sein abrite les espoirs du monde (Air N°32) ce qui en langage moins fleuri signifie qu'elle est enceinte! L'art de Caldara est ici, une fois encore, admirable. Au lieu de s'enfermer dans une rhétorique trop uniquement laudative, il « épice » son discours de nombreuses trouvailles qui évitent le pompeux habituel. Et là on peut évoquer Haendel que le compositeur a peut-être rencontré à Rome chez le marquis Ruspoli mais dont il a indubitablement connu certaines « Cantates italiennes » écrites pendant son séjour en Italie (1706-1710). Autres trouvailles : certains rythmes espagnols (CD2 index 2) soulignés au luth appuyé par les flûtes ; des jolis contrepoints et vocalises de grande difficulté -ce qui est logique dans l'univers baroque puisque l'on se trouve dans le domaine des dieux associés aux ornements- mais extrêmement vivantes et saturées de joie ; superbe prélude instrumental qui se prolonge en basse continue (CD2 index 6). Introduction de la trompette avec un ambitus très large (CD 2 index 10) et beau dialogue belcantiste entre voix et instrument ; efficience de la diction, jouant sur les voyelles et consonnes ; enfin un style réservé en dépit de la nature de l’œuvre et qui mêle à ses sonorités riches et variées, une légèreté italienne, non dénuée d'humour : ainsi, après avoir terminé sa partition avec un triomphe pour Elisa qui est « l'amour de la terre et l'amour du ciel » et signe la fin de l'ouvrage qu'applaudissent les auditeurs, Caldara revient et fait dire à Vénus : « Voici, Elisa, les applaudissements divers mais humbles » - ce qui arrête ceux du public - avant de reprendre, comme un bis le « vrai » chœur final précédemment entendu ! Un petit chef d’œuvre très bien exécuté par tous les chanteurs et instrumentistes. Et qui dépasse largement son propos apparent ! Car il nous transporte  en ces temps où l'on célébrait le pacifisme avec une autre séduction et une autre grâce que dans nos sinistres « lieux de mémoire ». Temps aussi, où l'on faisait honneur aux puissants de si jolie façon !
Bénédicte Palaux Simonnet

Son 10 - Livret 9 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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