Prokofiev miraculeux par l’Orchestre Philharmonique de Radio France et Martha Argerich

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Le 4 décembre, nous étions quelques chanceux à pouvoir assister, à la Philharmonie de Paris, à un concert exceptionnel à huis clos entièrement dédié à Prokofiev, par l’Orchestre Philharmonique de Radio France sous la direction de Myung-Whun Chung. Dans la première partie, Martha Argerich était au piano pour interpréter le 3e Concerto.

En entrant par une porte du premier balcon de face, on voit d’abord la scène en plongeon, éclairée par plusieurs rayons bleus et blancs. Et c’est dans un deuxième temps qu’on se rend compte que le parterre de la salle a été entièrement débarrassé des sièges et monté au même niveau que la scène, pour installer des matériels d’enregistrement et de transmission en direct (en replay sur Arte Concert et Philharmonie Live). Une partie de l’orchestre et le piano occupent également le bord de cet immense espace plat. Ce n’est pas tous les jours que cette salle complètement modulable est dans cette configuration.

Le 3e Concerto de Prokofiev Galvanisant

La pianiste entre sur la scène avec le chef, avec une grande simplicité, comme si elle avançait vers son piano chez elle. Le Concerto commence aussi simplement que sa démarche. Mais dès qu’elle fait résonner les premières notes au clavier, on sait qu’on assistera à un moment peu commun. Le crescendo du début est extrêmement exaltant, comme tout le reste de l’œuvre. La facilité (du moins pour l’apparence) avec laquelle Argerich joue ce Concerto pourtant redoutable est plus que fascinante, ensorcelante, troublante même. La tonicité sur les passages percussifs, la tendresse alerte du deuxième mouvement, la souplesse et l’élasticité dans les octaves et les sauts acrobatiques, mille expressions selon les phrases… Son jeu, qui atteint un tel degré de perfection, est lui-même un miracle. Nous sommes les témoins directs de cette interprétation prodigieuse qui ne nous lâche une seule seconde. La reine du piano nous coupe constamment le souffle et fait oublier tout ce qui n’est pas sa musique. Les détails ne comptent plus, c’est la globalité qui nous retient. L’Orchestre Philharmonique de Radio France, quant à lui, se surpasse, porté également par le génie de la pianiste. Chaque pupitre et chaque musicien semblent donner le meilleur d’eux-mêmes. Les cordes sont voluptueuses, les vents brillants, les percussions précises. Tout participe à ce que la musique de Prokofiev soit véritablement galvanisante sous la direction du chef qui connaît parfaitement l’orchestre, pour avoir été son directeur musical durant quinze ans (de 2000 à 2015).

Romeo et Juliette hautement théâtral

La deuxième partie est consacrée aux Suites du ballet Romeo et Juliette. Là aussi, les premières notes donnent le ton, celui d’une intensité et d'une théâtralité hors du commun. La riche acoustique de la salle met en valeur les délicieuses couleurs du violoncelle, du violon, du hautbois, de la flûte ou encore des saxophones en solo. Les tutti le sont également, tous les timbres se conjuguant pour créer une unité impressionnante, une cohérence dans une extraordinaire diversité kaléidoscopique.
Nous l’avons déjà entendu au cours de la première partie, mais la salle vide de sièges laisse trois secondes de résonance qui se remplit, s’amplifie, se retire et enfin disparaît. Quel plaisir pour les oreilles ! On en goûte pleinement comme d'un vin rare.
Ce concert restera sûrement dans les annales de l’Orchestre et de la Philharmonie comme l’un des événements marquants de leurs histoires.

Photos © Christophe Abramovitz / Radio France

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