Psaumes et hymnes polonais du XIXe siècle en manque de relief 

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Jacob Weiss (1825-1899) : Quatre Psaumes et Cinq Hymnes. Joseph Sulzer (1850-1925) : Quatre Préludes pour orgue. Jakub Stefek, orgue ; Isidoro Abramowicz, chantre ; Orchestre de chambre de l’Académie des Arts de Szczecin, direction Barbara Halec. 2022. Notice en polonais et en anglais. 68’ 00’’. Dux 1877. 

Jamais avare dans le domaine de la découverte, le label Dux propose un album qui met en valeur pour la première fois le chanteur, compositeur et animateur de la vie musicale du XIXe siècle polonais qu’a été Jacob Weiss. La notice, dont nous nous inspirons, nous apprend que, né à Nitra, alors en Hongrie, il étudie à Vienne, auprès de Solomon Sulzer (1804-1890), qui écrit de la musique à destination des offices juifs, encore interprétée de nos jours. Weiss devient en 1860 le chantre principal d’une synagogue de Varsovie, qu’il anime et fait prospérer ; il est apprécié tant par les membres de sa communauté que par les non-Juifs. Suite à un désaccord, Weiss quitte son poste en 1872. On le retrouve comme chantre à Vilnius dès l’année suivante, mais il revient à Varsovie en 1879. Il y enseigne et ouvre une école vocale pour jeunes. En dépit du fait que ses compositions sont jouées, non seulement en Pologne, mais aussi en Europe, Weiss connaît des difficultés financières et finit sa vie dans la pauvreté. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, ses psaumes et ses hymnes seront chantés dans des synagogues et des lieux privés, avant de sombrer dans l’oubli, réparé en quelque sorte par le présent album.

Afin d’illustrer la production de Weiss, une petite dizaine de compositions sont ici proposées. La plupart sont prévues pour un chœur à quatre voix et se situent dans la tradition du romantisme allemand, du chant d’église polonais et de la musique orthodoxe. Les Psaumes 66, 93, 114 et 137 évoquent successivement les bénédictions après l’épreuve, le règne de Dieu sur l’univers, le rappel des délivrances passées et les souffrances des exilés. Le choix pour cet enregistrement s’est porté sur un ensemble de chambre, avec accompagnement d’un orgue et présence d’un chantre. Le Psaume 137, Sur les rives de Babylone, a connu deux versions, l’une pour chœur, l’autre pour soliste, avec une introduction instrumentale et un récitatif de belle ampleur entre les versets. On peut le rapprocher du style de Stanislaw Moniuszko, que Weiss fréquenta dans un salon artistique. Pendant sa période varsovienne de 1860 à 1872, la synagogue où il officiait était toute proche du Grand Théâtre où étaient créés les opéras de l’auteur de Halka. Quant aux cinq hymnes en polonais, dont les traductions en allemand et en anglais sont jointes, ils font référence à l’élévation de la prière ou à la gloire de Dieu. 

Si la destination religieuse de ces diverses pages mérite le respect, on ne peut s’empêcher de considérer qu’elles ne sont pas d’une inspiration élevée. Elles correspondent bien à l’office pour lequel elles sont destinées, mais leur audition en continu provoque une certaine lassitude. D’autant plus que le chantre Isidoro Abramowicz, à la voix inégale et parfois en manque de justesse, n’est pas toujours convaincant, et que les couleurs peu différenciées de l’orgue de l’église Saint Stanislaw Kotska de Barnislaw, village de Poméranie-Occidentale à une quinzaine de kilomètres de Szczecin, paraissent bien fades, en se confinant dans une intimité feutrée, sans doute propice pour les moments où ces psaumes et hymnes ont été interprétés en leur temps. 

Cette musique, toute en simplicité, est servie par le Chœur de chambre de l’Académie de Szczecin dirigé par Barbara Halec, avec de délicates ciselures, mais elle n’arrive pas non plus à nous persuader que le tout est de première importance. Le programme est complété par les quatre Préludes pour orgue op. 10 de Joseph Sulzer (1850-1925), le fils cadet de Solomon, le professeur de Weiss. Ces pages, essentiellement méditatives, sont disséminées dans le programme, entre hymnes et psaumes. Tout au long du parcours, l’organiste Jakub Stefek, qui collabore avec la communauté juive de Berlin et est l’auteur d’une thèse sur la musique d’orgue juive, est un partenaire discret et en retrait. Pourrait-il en être autrement ?   

Son : 7  Notice : 8  Répertoire : 6  Interprétation : 7

Jean Lacroix    

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