Rameau : Achante et Céphise, une rédécouverte

par

Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Achante et Céphise ou la Sympathie. Pastorale héroïque en trois actes. Sabine Devieilhe, Céphise ; Cyrille Dubois, Achante ; David Witczak, Le génie Oroès ; Judith Van Wanroij, Zirphile ; Jehanne Amzal, La Grande Prêtresse : Artavazd Sargsyan, Un coryphée/ Un Berger ; Arnaud Richard, Un Coryphée / Un chasseur ; Marine Lafdal-Franc, Une fée, une bergère ; Anne-Sophie Petit, la Deuxième Prêtresse ;  Floriane Hasler, La Troisième Prêtresse. Les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles ; Les Ambassadeurs - La Grande écurie, Alexis Kossenko. 2020 Livret en français, anglais et allemand. Texte chanté en français, traduction en anglais. 2 CD Erato. 01902966693946

C’est avec bonheur que l’on écoute cet enregistrement d’Achante et Céphise de Rameau, pastorale héroïque tombée dans un oubli quasi total et qui restait à la marge du revival Rameau en action depuis plusieurs dizaines d’années. 

L'œuvre est de circonstance : une commande pour célébrer la naissance du Duc de Bourgogne Louis, fils aîné du dauphin Louis (fils aîné de Louis XV), le 13 septembre 1751.  Le livret du prolifique Jean-François Marmontel lie une intrigue à la fois amoureuse à vocation moralisante avec la pompe lexicale nécessaire à honorer cet évènement : le chœur final scande Vive la race de nos rois / C’est la source de notre gloire… Dès lors, il n’était pas si étonnant que cette partition soit restée dans l’ombre, souffrant de sa réputation d’oeuvre de commande, d’un livret assez fonctionnel et d’un dédain pour ce genre vite désuet que fut la Pastorale héroïque. Mais les qualités de l’oeuvre sont musicales. On est ici face à une sorte de festival démonstratif de la créativité compositionnelle de Rameau avec un orchestre qui n’est pas en figuration mais qui est un moteur de l’action, s'immisçant même dans les récitatifs. Dès l’ouverture, les pupitres font feu de tout bois dans une sorte de transe orchestrale presque cinématographique dans le rythme. L’effectif de l’instrumentarium est également imposant : bois par quatre et neufs violoncelles. Alexis Kossenko a tenu à reprendre exactement la composition orchestrale de la création par l’Académie royale de musique.  On entend un Rameau expérimentateur qui tente de sortir du carcan des codes avec un brio épatant ! Certes, l'œuvre ne peut prétendre au rang de chef d'œuvre mais elle présente d’innombrables atouts musicaux. 

Alexis Kossenko est un maître de cérémonie épatant par la précision rythmique, son sens des couleurs, sans oublier son aptitude à envisager la partition dans sa totalité, galvanisant ses troupes pour en extraire toutes les qualités et en gommer les petits défauts (le divertissement du deuxième acte s’avère un peu long). Ses musiciens des Ambassadeurs et de La Grande Ecurie sont excellents. La distribution est parfaite avec une justesse de style et de ton, une évidence pour des chanteurs de la trempe de Sabine Devieilhe, Cyrille Dubois, David Witczak ou Judith Van Wanroij. 

Cette production devait être l’un des évènements de l’année 2020 avec un concert très attendu au Théâtre des Champs-Elysées, qui se limita à une captation sans public. Mais une session de rattrapage en studio permet de découvrir cette oeuvre avec toute l’excellence interprétative requise. On attend avec impatience la suite des explorations des partitions de Rameau par Alexis Kossenko avec un Zoroastre planifié au printemps 2022 qui fera une escale namuroise. 

Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 9 – Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

 

  

 

 

 

 

 

     

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