Ravel en miroirs anglais entre mentors et disciples

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Ravel en miroirs anglais 

Maurice Ravel (1875-1937) : Le Tombeau de Couperin, M 68a ; Sir Lennox Berkeley (1903-1989) : Divertimento en si bémol majeur pour orchestre ; Adam Pounds (né en 1954) : Symphony n°3. Sinfonia of London, direction : John Wilson. 2022. Livret en allemand, anglais et allemand. 65’50’’. CHSA 5324. 

Cet album propose une filiation musicale sur plusieurs générations. En ouverture, on y retrouve Maurice Ravel dont la musique séduisit le compositeur anglais Lennox Berkeley qui ambitionna d'étudier avec le compositeur français (ce qui ne se fit pas, mais Berkeley accepta d’aller suivre l’enseignement de Nadia Boulanger suivant le conseil de Ravel) et d’Adam Pounds, lui-même élève  de Lennox Berkeley à la Royal Academy of Music. Pour des continentaux comme nous, les univers de Berkeley et Pounds nous sont très peu familiers et on se plaît à découvrir des mondes musicaux inspirés. 

L’interprétation du Tombeau de Couperin par John Wilson est absolument exemplaire et elle réussit à allier l’énergie musicale avec une finesse du trait. Les lignes mélodiques sont d’une parfaite lisibilité et John Wilson soigne les nuances et les couleurs. Saluons aussi la justesse des tempis qui permettent à la baguette du chef de mettre en avant la beauté de l’orchestration ravelienne. Cette interprétation, telle un diamant ciselé et scintillant, est l'une des plus belles de la discographie par sa fraîcheur et ses lumières. John Wilson s’affirme comme l’un des plus grands ravéliens du moment.   

Le Divertimento de Lennox Berkeley (1943) est dédié à Nadia Boulanger. En quatre mouvements, il est à peine plus long que la partition de Ravel. On découvre une orchestration fine et racée qui témoigne d’une influence française par sa plastique aérée et mobile mais avec un sens de l’orchestration brillant dans ses choix instrumentaux. C’est une musique narrative et riche en saveurs. Le livret nous apprend que la partition a été chorégraphiée en ballet, c’est une suite logique pour une musique illustrative et gorgée d’émotions suggérées. 

Adam Pounds fut l’élève de Berkeley et en tant que chef d’orchestre, il a dirigé le Divertimento de son professeur. La Symphonie n°3, d’une durée d’une demi-heure, a été composée pendant les confinements de la récente pandémie. La partition est dédiée à John Wilson et au SInfonia of London. Le ton est plus sombre et dramatique dès les premières mesures de cette partition dense. La maîtrise de l’écriture en impose avec quatre mouvements bigarrés qui rendent hommage à Chostakovitch (valse tragique du second mouvement) ou à Bruckner ("Elegy" du second mouvement). La partition se caractérise par une motorique qui sert une énergie interne saillante alors que l’orchestration dévoile des timbres d’une grande subtilité en particuliers dans les pupitres des bois. Indéniablement cette symphonie est une grande œuvre de notre temps par son ton qui nous place en miroir des angoisses de notre époque. 

Tout au long de ce disque, il faut saluer l’engagement des pupitres de l’excellent Sinfonia of LOndon sous la baguette experte de John Wilson. Le son “qualité Chandos” rend tous les aspects de ces musiques d’orchestre passionnantes et admirables. 

Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 9 – Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

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