Rencontres Musicales de Nîmes : les copains d’abord

par

Du 22 au 26 août, la deuxième édition des Rencontres Musicales de Nîmes se tient à la cité romane sous la co-direction de trois amis, Liya Petrova, Alexandre Kantorow et Aurélien Pascal.

Le Jardin de la Fontaine

L’air est très humide et la chaleur accablante de la journée n’est pas encore tombée. Le sud de France connaît une canicule exceptionnelle qui atteint jusqu’à 44 degrés par endroits. Au Jardin de la Fontaine, à Nîmes, Philippe Bernhard, le directeur du festival, lance avec une vingtaine de minutes de retard une courte allocution d’ouverture du festival. « Chaque demi-heure passée, nous gagnons un degré de fraîcheur ! » s’exclame-t-il. Le concert commence, l’humidité modifie rapidement les cordes et un mur de pierre derrière l’orchestre pour un semblant de dispositif sonore n’aide pas les musiciens à avoir un retour de son nécessaire. Et pourtant, ce jardin classique du XVIIIe siècle est propice pour goûter une atmosphère estivale, une fin de vacances en compagnie de belles musiques.

Un festival amical et familial

À l’origine de ces Rencontres, le souhait des trois jeunes directeurs artistiques de passer un temps entre amis en se posant loin des allers-retours internationaux et d’essayer de nouvelles formules et répertoires. Ce qui prime, c’est l’envie de suivre leurs envies, l’envie de jouer les œuvres qui leur plaisent, au-delà des contraintes liées à la programmation. En somme, c’est une sorte de série d’auditions (mais quelles auditions !) au milieu d’une colonie de vacances musicales et studieuses. Cette amitié, mais aussi des liens familiaux (Kantorow père et fils entre autres), créent la bonne ambiance dans chaque concert et traverse tout le festival encore artisanal. Artisanal jusqu’au point où le directeur s’occupe lui-même du guichet des billets devant l’entrée. On tolère alors avec bienveillance quelques défauts et maladresses d’organisation.

Deux Mendelssohn

Le public est venu très nombreux pour entendre le jeune Kantorow sous la direction de son père, dans le Triple concerto de Beethoven. Il attend aussi les deux co-directeurs artistiques, adoptés à bras ouverts par les mélomanes nîmois. Mais il faut s’impatienter jusqu’à la deuxième partie. L’orchestre national d’Auvergne joue d’abord l’ouverture des Hébrides et la Symphonie italienne de Mendelssohn. Dans Les Hébrides, les sons diffus et volants du plein air ne favorisent pas une atmosphère mystérieuse ni la montée de tension à tutti. Mais on sent l’effort des musiciens dans l’écoute mutuelle pour compenser le manque de retour, en particulier de la part du chef tentant d’en tirer un meilleur rendu. La vitalité et la jeunesse du compositeur (Mendelssohn avait à peine 20 ans lorsqu’il composa ces œuvres) s’expriment avec des tempi entraînants, notamment dans la Symphonie. Dans l’« Andante con moto », le legato gagne de plus en plus ; les contrebasses et les violoncelles sonnent comme une basse continue baroque dans cette acoustique sèche. Vers la fin du mouvement, quelques notes en sostenuto donnent une saveur agréablement inattendue. Le Saltarello final est interprété comme un scherzo binaire et la pédale de timbales qui mène à la conclusion sonne majestueusement. On imagine le merveilleux effet qu’elle aurait produit dans une bonne salle de concert. Vif et alerte, l’orchestre maintient avec aisance le tempo presto pris à la lettre. Ainsi, ce mouvement illustre la belle entente entre le chef et l’orchestre qu’il a fondé.

Le Triple concerto entre la musique de chambre et la musique symphonique

Un long entracte dans une ambiance conviviale terminé, les trois compagnons de musique entrent en scène. Ils tournent depuis quelque temps avec le Triple concerto de Beethoven, un compromis idéal avec la musique de chambre et la musique symphonique où ils peuvent déployer toutes les facettes de leurs instruments. Au début, l’humidité semble voiler le son du piano qui prend le temps de s’éclaircir. La sonorisation avait probablement raison de l’impression de l’oreille bouchée. En effet, notre place était située à la croisée des sons, directs et amplifiés, rendant difficile notre jugement quant à l’équilibre souhaité et produit par les musiciens. Sans cette acoustique, le violon semblait un peu trop présent même quand la partition le relègue au second plan. Cela étant dit, leurs intention et partis pris reflètent leurs réflexions communes, par exemple le tempo plus rapide dans la coda du premier mouvement, ou un accent populaire dans un tempo insistant, introduit au milieu du rondo final au moment où les trois solistes se succèdent. La complicité plus qu’évidente entre eux, mais aussi avec le chef (outre son fils, Jean-Jacques Kantorow a déjà enregistré avec Liya Petrova le Concerto de Beethoven) permet de rendre ce concerto -considéré par certains comme privé d’intérêt- vivant et pleinement attrayant. Les musiciens d’orchestre semblent être stimulés de plus en plus par l’investissement et la joie de leurs jeunes compères. Dès lors, les conditions ne sont plus une contrainte pour apprécier un Beethoven vigoureux et enjoué, approuvé avec de copieux applaudissements debout.

Deux bis, extraits du Premier Trio avec piano du même compositeur, ont rendu le public euphorique.

Victoria Okada

Crédits photographiques : © Thomas Mallinier

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.