Satie et Cage par Bertrand Chamayou

par

Letter(s) to Erik Satie. Oeuvres de John Cage (1912-1992), Erik Satie (1866-1925), James Tenney (1934-2006). Bertrand Chamayou, piano. 2023. Livret en français, anglais et allemand.  70’43’’. Warner classics 505419769442. 

Bertrand Chamayou nous propose une confrontation entre deux compositeurs si proches : Erik Satie et John Cage. Deux compositeurs pour qui l’idée et le concept sont la fondation de l’acte créatif et deux compositeurs qui ont en commun d’être plus commentés que foncièrement joués ou enregistrés tels des noms des Histoires de la musique devant lesquels on s’attarde avec révérence mais sans foncièrement se plonger dans leurs musiques.  Outre le lien dans la démarche créatrice, les frontières entre les deux musiciens s’imbriquent, ainsi John Cage vouait une immense admiration à Satie au point d’en transcrire pour deux pianos son Socrate.  Pourtant, au disque cette double proposition Satie / Cage reste rare, alors qu’elle est évidente. 

Dès lors, saluons cet album qui nous permet de suivre la filiation entre ces œuvres avec un programme parfaitement conçu qui n’oublie pas les tubes de Satie comme les Gnossiennes et les Gymnopédies. En matière de Satie, il y a souvent deux écoles d’interprétations : les prudes et les entreprenants. Les premiers se réfugient derrière la pureté du concept pour livrer des lectures abstraites et détachées de toute narration, telle une mécanique froide ; les autres tentent de tirer ces partitions vers un monde imaginaire de saynètes plus ou moins inspirées des modèles plus ou moins romantiques. Dans les deux cas, c’est assez décevant ou moyennement satisfaisant, comme un verre à moitié vide… Bertrand Chamayou trouve le ton juste entre une retenue qui met en avant la modernité de l’écriture et une palette des couleurs qui suggère des mondes intérieurs. Une sorte de quadrature du cercle avec ce qu’il faut de subtilités, de parfums, de style ; c’est la simplicité de l’évidence ! Satie est ici Satie : un musicien individuel et foncièrement original qui révèle la force de son geste compositionnel. 

Dans Cage, le pianiste est également parfait et sa grande connaissance des répertoires lui permet de varier les touchers et les nuances pour fignoler ces pièces qui avec celles de Satie ont en commun des durées courtes. 

Les deux univers servent et communiquent dans un dialogue en miroir qui se prolonge avec l’intéressant 3 Pages in the Shape of a Pear de James Tenney, autre compositeur américain admirateur d’Erik Satie. 

Notons que cet album a été enregistré dans le cadre luxueux du studio d’enregistrement du Domaine de Miraval dans le sud de la France, propriété de l’acteur Brad Pitt. Ce clin d'œil aurait sans doute plus aux deux compositeurs.  Dans tous les cas, le son est fabuleux !

Son : 10  Notice : 8  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

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