Sonates américaines violonistiques par Cho-Liang Lin et Jon Kimura Parker

par

Paul Schoenfeld (°1947), Steven Stucky (1949-2016), John Harbison (°1938) : Sonates pour violon et piano. Leonard Bersntein (1918-1990) : Canon for AaronCho-Liang Lin (violon), Jon Kimura Parker (piano). 2020-DDD-61’24-Textes de présentation en anglais-Naxos 8.559888

Nos lecteurs amateurs de beau violon se souviendront certainement de Cho-Liang Lin (°1960) et des beaux enregistrements du violoniste taïwano-américain qui dans les années 1980-1995 s’était vu offrir la possibilité d’enregistrer l’essentiel du grand répertoire pour son instrument (dont de très beaux concertos de Mendelssohn, Sibelius et Nielsen) pour le label CBS, devenu depuis Sony.

Si l’on parle moins de lui aujourd’hui, Lin n’en reste pas moins un excellent violoniste et, surtout, un musicien curieux et entreprenant. C’est en effet à son initiative qu’ont été écrites ces sonates pour violon et piano créées par les présents interprètes entre 2009 et 2013 et où trois compositeurs américains montrent leur intérêt pour un genre semble avoir encore de beaux jours devant lui. 

Des trois oeuvres offertes ici, la plus intéressante et la plus belle est certainement la Sonate de Steven Stucky. Cité dans l’intéressante notice, le regretté compositeur déclarait avoir été inspiré par la Sonate pour violon de Debussy, oeuvre qu’il estimait dominer ce répertoire. Bien sûr, ce n’est pas une pâle imitation ou un pastiche de la manière du compositeur français que nous offre Stucky. Cependant, la fantaisie, la délicatesse et le côté fantasque et imprévisible dont il fait preuve ici révèlent une mystérieuse parenté avec le maître de Saint-Germain-en-Laye. Dès le Calmo qui ouvre l’oeuvre, c’est comme si nous entrions dans un autre monde, alors que l’Interlude qui suit est une musique nocturne qui rappelle Debussy par sa finesse, mais aussi Bartók par son sens du mystère. Débutant par une espèce de mouvement perpétuel, le Scherzo-Finale passe ensuite à une atmosphère de lyrisme et de quiétude, puis à un épisode plus agité avant de terminer sur une fin intense. Espérons que cet enregistrement incitera beaucoup de violonistes à mettre cette belle oeuvre à leur répertoire.

La Sonate de Schoenfeld est d’un tout autre style, qu’on qualifiera volontiers d’éclectique. On y trouve un premier mouvement où l’on entend des réminiscences de music-hall (avec un épisode de piano carrément bastringue vers 6’00), un violon volontiers impertinent, des passages gershwiniens, voire néo-bartokiens. Dans le deuxième mouvement, Intermezzo, un récitatif de violon se souvient très bien du Tzigane de Ravel, avant que la mélodie ne méandre par petits intervalles avant d’atteindre une inattendue profondeur sibélienne, puis une sobriété poignante avant de s’achever d’une façon ouvertement dramatique. La Romanza qui suit instaure une atmosphère délicate, assez fin-de-siècle (XIXe en l’occurrence) et un peu salonnarde. L’oeuvre se termine par un entraînant Freilach (mot yiddish qui dénote une danse joyeuse) qui tient du klezmer comme de la musique tzigane.

Oeuvre d’un musicien au solide métier, la Sonate N° 1 de Harbison s’écoute avec plaisir. Après un premier mouvement assez astringent, l’Intermezzo offre de beaux épisodes calmes et solaires dans une écriture d’une grande clarté. L’Aria qui suit comprend des épisodes néo-baroques où les deux instruments « tricotent » à fond. L’oeuvre s’achève sur un Rondo-Poscritto tour à tour dynamique et lyrique. 

Après nous avoir offert des interprétations irréprochables des trois sonates inscrites au programme, Lin et l’excellent pianiste Jon Kimura Parker accordent un petit bis sous la forme du Canon for Aaron, brève pièce écrite par Leonard Bernstein en 1970 pour dignement fêter le 70e anniversaire d’Aaron Copland.

Son 9 - Livret 9 - Répertoire 8/9 (Stucky) - Interprétation 10

Patrice Lieberman

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