Une Traviata tenue par le seul Ludovic Tézier

par

Giuseppe Verdi (1813 - 1901)
La Traviata
Opéra en trois actes. Livret de Francesco Maria Piave d'après le drame d'Alexandre Dumas fils "La Dame aux camélias"
Première représentation : Venise, Théâtre de la Fenice, le 6 mars 1853
Diana Damrau (Violeta Velery), Francesco Demuro, (Alfredo Germont), Ludovic Tézier (Giorgio Germont), Anna Pennisi (Flora Bervoix), Cornelia Ancioiu (Annina),
Choeur et Orchestre de l'Opéra National de Paris, dir.: Francesco Ivan Ciampa - Mise en scène de Benoît Jacquot. Direction de la vidéo : Louise Narboni et Benoît Jacquot
2015 - 145' - Synopsis en français, allemand, anglais - Sous-titrage en anglais, allemand, français, italien et espagnol - Chanté en italien - Erato 0825646166473

Lors de la reprise de cette production à l'opéra de Paris le 10 septembre 2014 avec une autre distribution et un autre chef, Bénédicte Palaux-Simonnet écrivait : " (...) qu’attendre d’un réalisateur de cinéma qui filma « Tosca » -pour le cinéma- sur un fond implacablement noir, de la première à la dernière image ? Les stylisations convaincantes de son précédent travail sur cette même scène de la Bastille avec « Werther » laissaient bien présager un traitement de l’espace assez radical, où les personnages s’agitent dans le vide comme des insectes impuissants. Ici, encore moins de subtilités ou d’équivoque. L’opposition binaire -noir et blanc- fait loi, le dénuement est à son comble. Un lit monumental surmonté de l’ « Olympia » de Manet (où l’on sait que le « noir et blanc » joue un rôle important, repris sur scène avec le personnage d’Annina en servante mauresque), un arbre et l’escalier de marbre en galerie du II, voilà pour le décor ! Les chœurs sont traités comme des éléments minéraux, blocs obscurs, menaçants, à peine dérangés par la pantomime des « Bohémiennes ». Tout aussi implacable, la direction du chef Dan Ettinger installe de grands espaces sonores violemment structurés si bien que l’impression d’écrasement se fait prégnante. Dans quel interstice, dans quel entre-deux, la vie, ses plaisirs, ses douceurs, ses réminiscences peuvent ils se glisser ? Il ne reste que la rigueur impersonnelle du Destin. Dans le vide cosmique, les chanteurs doivent se mouvoir sans guère d’appui et ne sauraient compter que sur leur charisme et leur chant pour exister."
La prise vidéo dirigée par Benoît Jacquot lui-même et centrée en plans rapprochés sur les personnages rend sans nul doute cette impression d'écrasement moins prégnante. Par contre on sera déçu par une distribution gommant toute nuance de sentiments, si ce n'est Ludovic Tézier tout à fait convaincant en Germont père écrasé par les convenances et sensible à l'humanité de Violetta. Diana Damrau, à la technique irréprochable bien sûr, reste tout au long au premier degré du rôle, ni charme ni folie dans son jeu appliqué jusqu'à devenir laborieux, doublé d'une gestique emphatique que l'on retrouve aussi chez Alfredo, assez pâlot et emprunté. Et puis, Diana Damrau a-t-elle bien le physique du rôle ? Si la direction d'orchestre ne manque pas d'énergie, elle semble elle aussi gommer toute nuance expressive et cela dans des tempi très (trop) modérés. Une Traviata à oublier en quelque sorte si ce n'est que l'on aime à y retrouver Tézier.
Bernadette Beyne

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