Weber romantique et pétillant

par

Carl Maria von Weber (1786-1826) : Concertos pour clarinette et orchestre N° 1 en fa mineur, Op. 73; N° 2 en mi bémol majeur, Op. 74. Karol Kurpiński (1785-1857): Concerto pour clarinette et orchestre en si bémol majeur (1823). Eric Hoeprich (clarinette), Orchestre du 18ème siècle, Guy Van Waas (direction).2020-DDD-54’25-Textes de présentation en anglais, français et allemand - Glossa  GCD 921128

La musique de Weber est si belle et enchanteresse -toute empreinte de ce premier romantisme frais et spontané qui se traduit par d’exquises mélodies, des orchestrations pleines d’imagination, un sens du merveilleux teinté de féerie- que, pour un peu qu’on la connaisse, on s’étonne toujours de ne pas l’entendre plus souvent.

Voici en tout cas un enregistrement de grande qualité, mené par des interprètes pour qui ce répertoire n’a pas de secrets et qui réussissent à infailliblement trouver le ton juste, évitant aussi bien la vaine démonstration de virtuosité que la profondeur feinte.

Ecrits pour le grand clarinettiste Heinrich Baermann et interprétés sur une réplique récente d’un instrument à dix clefs contemporain des oeuvres enregistrées, ces concertos sont interprétés avec une stupéfiante aisance par Eric Hoeprich dont la totale maîtrise de l’instrument ancien est à ce point évidente qu’elle attire moins l’attention sur elle-même que sur les beautés (et elles sont nombreuses) des oeuvres gravées ici.

Dans les mouvements rapides, on admire la clarinette volubile d’un virtuose qui, loin de se limiter à très bien jouer ces exigeantes partitions, fait preuve à tout moment d’un vrai sens dramatique débouchant sur des interprétations pleines de vie, mais aussi d’esprit, d’élégance, de finesse et de légèreté. 

Dans les mouvements lents, Hoeprich allie un souffle apparemment inépuisable au sens de la ligne d’un vrai belcantiste (même si le son de l’instrument utilisé est forcément moins velouté que ce qu’on obtient d’un instrument moderne). Bien aidé par l’acoustique chaleureuse et agréablement réverbérante de la Keizersgrachtkerk d’Amsterdam, il saisit parfaitement ce que l’écriture doit encore ici à Mozart dans la cantilène autant que la flamme de ces épisodes  dramatiques dûs à la riche imagination du compositeur. Les si riches couleurs orchestrales de Weber sont parfaitement servies par l’Orchestre du 18ème siècle (si longtemps conduit par le regretté Frans Brüggen) que dirige avec beaucoup de style et d’imagination un Guy Van Waas -clarinettiste lui aussi -pour qui ces partitions n’ont aucun secret. Aidé par un orchestre en pleine forme, le chef belge ne se contente pas d’un rôle de sage accompagnateur mais se montre un dynamique partenaire du soliste, dans une approche pleine de vie mettant sans cesse en évidence la subtilité harmonique et les nombreuses trouvailles d’orchestration du compositeur. 

Là où on aurait attendu le Concertino de Weber en complément de programme, les interprètes nous offrent une inattendue curiosité sous la forme du Concerto pour clarinette (en un seul mouvement) de Karol Kurpiński, compositeur polonais principalement connu de nos jours pour avoir été le professeur de composition de Chopin et avoir dirigé la première exécution du Premier concerto pour piano de celui-ci en 1830. Après une introduction puissamment dramatique, on découvre une oeuvre plus qu’intéressante, dans un style proche du romantisme de Weber mais aussi de ce bel canto italien qu’admirait tant Chopin. L’oeuvre pose de sérieuses exigences en matière de virtuosité, mais est-il besoin de dire qu’Eric Hoeprich les surmonte avec aisance ?

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

Patrice Lieberman

 

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