Fascinante réalisation !

par

0126_JOKERCarlo GESUALDO (c.1566-1613) -  Ascanio MAIONE (c.1565-1627)
TRIBULATIONEM
Mottetti, Madrigali e Capricci
CONCERTO SOAVE
Mara GALASSI (harpe), Jean-Marc AYMES (clavecin, orgue, dir.)

2012-SDRM-2 CD-livret en anglais, français-chanté en latin et italien-OUTHERE Music -Zig- Zag Territoires ZZT319
Six chanteurs (2 sopranos, 1 contre-ténor, 2 ténors, 1 basse) - une harpiste (jouant notamment une copie d'une harpe de 1632 ) les mains jointes sur son instrument, comme en prière et l’œil fixé sur le lointain - un chef Jean-Marc Aymes, tour à tour à l'orgue positif et aux clavecins, l'un à deux claviers et l'autre italien, copie de 1679 - fière allure, regard vibrant, habité et sensible (photo de couverture 2): c'est bien toute la vérité intérieure, la puissante beauté de cet enregistrement fabuleux que nous livrent huit artistes de haut niveau (qualité des voix, oreille infaillible, précision d'émission, nuances et variété des timbres, sensibilité extrême, compréhension des textes, rendu philosophico-sonore).
Rien n'est laissé au hasard. Mais tout vibre de l'intérieur -intellect et émotion- sans la moindre cassure, sans la moindre lassitude: travail prodigieux d'intelligence et de spiritualité qui prouve que l'on peut être sévère, rigoureux, et fidèle à l'esprit des textes et de la musique sans pour autant devenir ennuyeux, insipide ou somnifère.
C'est déjà une idée pertinente et heureuse d'avoir placé côte à côte, pour le vocal Gesualdo (1566-1613) et l'instrumental son exact mais peu connu contemporain, Ascanio Maione (1565-1627) dont le nom ne figure ni dans le Bordas, ni dans le Larousse, ni dans le Fasquelle et à peine sur l'inévitable Wikipedia! La cohérence est renforcée et sublimée par une prise de son très fine, chaleureuse, colorée, d'excellente qualité.
Musique étrange qui vous saisit par ses «distorsions» comme le dit Jean-Marc Aymes dans le livret, qui vous envoûte par ses chromatismes subtils ou au contraire ses arcs-en-ciel de lumière.
Ainsi dans le disque 1 (n°5 à 7) on passe de la douleur du Chrétien conscient de ses fautes, de sa faiblesse à un Ave Maria pur comme un ciel endiamanté: Ora pro nobis Jesum. Tout serait à citer dans ce coffret inaltérable, depuis le O vos omnes jusqu'au dernier vers du Peccantem - «Miserer mei, Deus, et salva me»- Accents tragiques, de profonde douleur («O dolorosa sorte» du Moro, lasso, al mio duolo). Vibrante émotion du Alma d'amor rubelle mais aussi éblouissant sourire du petit moustique (!) Ardita zanzaretta tandis que Già piansi nel dolore exalte la vie puisque «Omai si congi in dolce et lieto canto»(«Que tout se change en chant doux et heureux puisque mon amour me dit- je brûle pour toi!» CD 2 n°14).
On l'a compris, au delà de la leçon déjà merveilleusement engagée et vivante de leur contemporain Luzzasco Luzzaschi (1545-1607) encore trop peu enregistré, voici un coffret petit par le poids (2 disques) mais important par sa nouveauté, son irréductible beauté qui rendent vaines les controverses sur la vie agitée, la prétendue modernité visionnaire ou l'audace harmonique de Carlo Gesualdo. Une splendeur en elle-même tout simplement. Saluons là une superbe et rare entreprise. Fascinante réalisation!
Bénédicte Palaux Simonnet

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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