Nouveau défi pour l’ONB

par

Andrei Boreiko © Wim Van Eesbeek

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concerto pour piano et orchestre n°24 en do mineur, KV 491
Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n°5 en do# mineur
Orchestre National de Belgique, Andrey Boreyko, direction – Rafal Blechacz, piano
Avec la Symphonie n°5 de Mahler, l’ONB et Andrey Boreyko s’aventurent dans un projet ambitieux, celui de l’exploration des grandes œuvres du répertoire (Bruckner, Mahler, Strauss…). Ce répertoire continue d’inquiéter tant l’ampleur de la forme que les centaines de détails nécessitent une grande maîtrise de la partition au risque d’un terrible ennui. Période charnière de sa carrière, Mahler adopte un plan sans programme ou sans contenu explicite. Malgré la tonalité de do# mineur et la marche funèbre initiale (avec le motif de la trompette, en hommage à la Symphonie n°5 de Beethoven), l’œuvre s’oriente vers la lumière et l’ouverture au monde. De fait, la difficulté réside dans la compréhension d’une forme très large et dans l’orientation générale qu’il faut en dégager. L’interprétation de Boreyko est limpide. Aucune hésitation dans le choix des couleurs, des plans sonores et des tempi. D’ailleurs, en se démarquant des interprétations célèbres de Bernstein, Abbado et d’autres, Boreyko préfère un tempo lent pour la marche funèbre privilégiant une approche plus précise du matériau sonore des cordes (longueur des valeurs, technique d’archets et respirations). Très bonne énergie pour les passages plus animés même si quelques minutes d’installation furent nécessaires à l’ONB.  Une fois le moteur en route, plus rien n’arrête l’orchestre. En dehors de quelques petits accidents dans les vents, le deuxième mouvement dégage un beau travail sur l’interaction entre les instruments, avant un Scherzo cocasse et imagé. Le cor solo - Ivo Hadermann -  y déploie toute l’étendue de son instrument, notamment dans les nuances douces et expressives. Belle conduite des phrases dans l’Adagietto où la longueur de l’archet et le travail sur le legato sont convaincants. Avec des thèmes populaires, la symphonie se termine dans un style plus brillant et étincelant. Toute la fatigue accumulée et le stress s’effacent au profit d’un réel feu d’artifices. Mention spéciale pour le pupitre des cors, d’une justesse irréprochable et homogène, malgré quelques tutti surpuissants. Très attentifs, les violoncelles se sont aussi illustrés ce soir avec une patte sonore chaleureuse. En le provoquant et le poussant dans ses moindres retranchements, Boreyko a transformé le son de l’orchestre et procure à l’ONB des moments considérables, ceux d’une formation orchestrale de grande classe. Pour sa part, le Concerto pour piano n°24 de Mozart se dote d’une masse symphonique plus importante (vents) et d’une inspiration formelle et mélodique plus développée. Boreyko et Rafal Blechacz jouent la carte de la finesse : beau contrôle du clavier, maturité du son et style approprié. Le jeu de Blechacz se rapproche agréablement de l’improvisation avec de nombreux contrastes dynamiques et mélodiques. La baguette claire de Boreyko accompagne le soliste avec attention mais aurait pu gagner en souplesse dans la lecture, parfois trop sérieuse. Malgré tout, son expertise de l’accompagnement se ressent naturellement ici : une seule respiration, des départs précis et une attention particulière au flux des pupitres. Ce concert aura marqué les esprits. Après une ouverture de saison triomphante, l’ONB marque à nouveau des points et mérite nos encouragements. Depuis le concert d’ouverture Brahms/Berlioz de 2012, quel chemin parcouru !
Ayrton Desimpelaere
Bozar, le 3 octobre 2014

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